
Claude Ecken est un romancier français, anthologiste et critique (notamment dans les pages de Bifrost), qui a publié 15 romans de genre, SF et polar, entre 1984 et 2017, ainsi qu’un recueil de nouvelles chez Le Bélial’ sous le titre Le Monde tous droits réservés en 2005. Pour ma part, je l’ai découvert avec la nouvelle L’Appel de la nébuleuse reprise récemment dans l’anthologie Variations sur l’histoire de l’humanité (critique disponible dans Bifrost n°93). Cette nouvelle, c’est la grande classe, catégorie immersion poétique en mode hard-SF. Croisant son dernier roman en date Les Souterrains du temps (2017) sur une table de la Grande Librairie des Utopiales de Nantes, je n’ai pas hésité à l’acquérir en nourrissant l’espoir que ce court texte de 176 pages soit fait du même acier damassé. Cet espoir fut déçu car s’il se construit sur des tropes science-fictifs et cite l’espace-temps de Minkowski, Les Souterrains du temps est un polar qui s’appuie plus volontiers sur les théories complotistes americano-barrées que sur une hard-SF egano-certifiée.
Alain Migea est un physicien nantais, ingénieur dans une compagnie privée du nom de Quantech, qui fournit une expertise technique au grand accélérateur d’ions (le Relativistic Heavy Ion Collider) du Laboratoire National de Brookhaven sur Long Island dans l’État de New York. Quittant les pluies de Nantes(1), il se rend à Brookhaven avec quelques collègues pour une intervention sur l’accélérateur. Profitant de l’occasion, il va aussi rendre visite à un ancien collègue, un certain Jeffrey Weirdlight. Sur place, il découvre que Weirdlight a disparu depuis quelques mois sans laisser de traces. Alain Migea va alors se lancer dans une enquête sur cette mystérieuse disparition où recherches peu académiques et projets militaires secrets vont se mêler aux légendes urbaines et autres théories foutraques.
Du point de vue de la construction du décor, le roman de Claude Ecken est extrêmement bien documenté. Je connais les lieux décrits, les descriptions sont fidèles, on y est. L’auteur s’appuie aussi sur un ensemble de faits plus ou moins bizarroïdes, mais bien réels, comme le fameux monstre de Montauk(2). L’ouvrage comporte par ailleurs de nombreuses reproductions de photographies qui viennent donner à l’enquête un aspect très réaliste. L’habit sort d’un atelier de haute couture.
Le roman toutefois présente à mes yeux des défauts. Claude Ecken manipule et joue des théories physiques qu’il cite abondamment sans trop entrer dans le détail, et comme celles-ci ne peuvent soutenir jusqu’au bout son propos, il se lance dans des extrapolations à grands coups de bobines de cuivre et de champs magnétiques géants qui fleurent bon la SF surannée. Il le dit lui-même : »On se serait cru dans Blake et Mortimer » (p105). Mais là où le bât blesse, c’est dans la crédibilité du récit. Ce n’est pas tant l’appel à diverses légendes urbaines et théories complotistes qui est en cause, car en soi cela pourrait fonctionner en en révélant les mécanismes, mais l’action elle-même. Les décisions et les actes d’Alain Migea ne sont jamais vraisemblables. La brièveté du texte ne permet pas de construire le personnage, de lui fournir une histoire solide qui puisse expliquer que l’ingénieur nantais se transforme en super détective sans peurs face à l’armée américaine toute puissante. Servi par un background conséquent alors aurait-on pu y croire, mais dans ce court roman, trop court peut-être, la suspension consentie d’incrédulité s’avère une opération difficile à mener.
A mon grand regret, il m’a été difficile d’adhérer pleinement au récit de Claude Ecken tant le bancal du scénario m’a semblé l’emporter sur le finement construit du contexte.
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Notes :
(1) Quoi ? J’y étais il y a quelques jours à peine et je vous assure qu’il flotte dans mes bottes, comme il pleut sur la ville. Au diable cette flotte qui pénètre mes bottes !
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Monstre_de_Montauk
Titre : Les Souterrains du temps
Auteur : Claude Ecken
Éditeur : éditions du Somnium, collection Hyperboles
Publication : novembre 2017
Nombre de pages : 176
Support : papier
Il n’aura pas fait long feu celui-là. Je prends note de plutôt me pencher sur d’autres récits de Claude Ecken. Peut-être est-il meilleur sur le format court ?
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Je ne saurais dire en fait, c’est le deuxième texte de Claude Ecken que je lis après la nouvelle. Il faudra que je me penche sur d’autres écrits.
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Arf dommage… je vais me pencher sur L’Appel de la nébuleuse mais oublier celui-ci.
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