Furies Déchaînées (Carbone modifié 3/3) – Richard Morgan

furiesTroisième et dernière installation de la série Carbone Modifié de l’auteur britannique Richard Morgan, Furies Déchaînées se révèle à la fois médiocre et magistral.  Carbone Modifié avait lancé la série sous la forme d’un roman noir de SF cyberpunk. L’attrait (ou pas) du roman reposait sur les solides épaules de son héros, Takeshi Kovacs. Ancien d’une unité d’élite appelée les Corps Diplomatiques, Kovacs a des allures de post-humain entraîné pour les situations les plus délicates, et dotée d’une appétence certaine pour la violence. Dans le second volume de la série, Anges déchus, Richard Morgan avait tendance à appuyer les traits de caractère les plus désagréables du personnage qui commençait alors à devenir pénible. Son côté super héros s’affirmait au point de ne plus être très crédible. L’histoire cependant finissait sur une note space opera plutôt attrayante.

Dans ce troisième volume, Richard Morgan confirme malheureusement cette tendance au point de s’auto-caricaturer, et je dois dire que je n’ai pas du tout aimé le héros de Furies Déchaînées.  Takeshi Kovacs n’est pas un type sympathique. Ça, on le savait déjà. Mais il est difficile pour le lecteur que je suis de s’intéresser à un personnage cynique qui n’a rien à faire de rien, se montre systématiquement odieux avec tout le monde et surtout les gens supposés l’aider. On se prend à rêver qu’il se prenne enfin la balle qui le fasse taire.

Takeshi Kovacs est de retour sur Harlan, sa planète natale, et source historique du Quellisme, ce mouvement politique révolutionnaire que les tomes précédents avaient déjà introduit. Il s’y livre à une vendetta personnelle. Il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes. Kovacs n’y échappe pas. Le récit va alors s’engager dans de multiples directions, allant de rebondissement en rebondissement. Kovacs n’y est jamais maître de son destin. Il va subir les événements, se trouvant à un moment confronté aux yakuzas locaux, puis engagé sur un terrain de conflit militarisé, être embarqué dans un mouvement politique dont, comme à son habitude, il n’a pas grand chose à faire, puis dans une machination interplanétaire. La série, dans son ensemble, se distingue par le développement d’un univers fouillé, riche et cohérent, mais le héros s’y promène mû par des motivations qui peuvent difficilement emporter l’intérêt du lecteur, ne faisant que laisser derrière lui un tas de cadavres, directement de son fait ou en conséquence de ses décisions. Tout ceci m’a tellement ennuyé que j’ai bien failli arrêter ma lecture au milieu du livre, las d’un rythme essentiellement basé sur une répétition en boucle de scènes de baston gratuites, de scènes de cul sans âme insérées là dans le seul seul but d’émoustiller le lecteur adolescent, et d’info dumping maladroit.

Le souci est que si la premier moitié du livre est franchement médiocre, la seconde partie est franchement magistrale. Ce roman est extraordinaire de mise en place et le final où tous les éléments du livre s’assemblent petit à petit, comme un complexe puzzle, est un exemple de construction scénaristique. Cette construction est soutenue par des personnages secondaires tous beaucoup plus intéressants que le héros, plus humains, plus vivants. Furies Déchaînées est un excellent livre de SF si on en retire Takeshi Kovacs. D’ailleurs, il ne sert à rien, si ce n’est de fil conducteur. On peut mentalement l’éliminer de toutes les scènes, le scénario se passe très bien de lui. De plus, toutes les questions abordées dans les précédents volumes de la série, le Quellisme, les artefacts martiens, les diplos, etc., trouvent ici résolution. La boucle est bouclée et de façon très spectaculaire. Il aurait juste fallu remplacer le personnage de Kovacs par un journaliste caméra à l’épaule.

En conclusion, je suis content d’avoir poursuivi ma lecture au-delà de l’ennui que le personnage principal m’inspirait, car j’aurais raté une histoire bien construite. Il me semble que Richard Morgan est tombé dans le piège du succès de Carbone Modifié et, comme c’est souvent le cas dans les séries, a commencé à s’auto-parodier. Il a tant forcé les traits de caractère de Takeshi Kovacs, personnage qui pourtant était une belle idée au début de la série, qu’il a fini par le rendre totalement antipathique, au détriment des très bonnes histoires qu’il avait à raconter dans cet univers richement développé.


Livre : Furies déchaînées
Série : Carbone modifié (3/3)
Auteur : Richard Morgan
Publication : 2005
Langue : Français
Nombre de pages : 672
Format : papier et ebook


3 réflexions sur “Furies Déchaînées (Carbone modifié 3/3) – Richard Morgan

  1. Ah, ben du coup je me tate evidement pour savoir si je lis la suite de Kovacs. J’avais beaucoup aimé le premier tome. Je te rejoins sur le personnage central qui n’a rien de sympathique, et ce cynisme lui va bien.
    Mais si nous ne retrouvons qu’une caricature et que Morgan a perdu l’équilibre qui m’a plu au début, je ne vais certainement pas le mettre dans mes priorités.

    Aimé par 1 personne

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