Le Charme discret de la machine de Turing – Greg Egan (Bifrost n°113)

Cela a été annoncé hier par son éditeur, le numéro 113 de la revue Bifrost à paraître en janvier 2024 sera un numéro consacré à l’intelligence artificielle vue par la science-fiction. Lorsque le sommaire de ce dossier spécial fut discuté, il est rapidement paru évident que The Discrete Charm of the Turing Machine de Greg Egan y avait toute sa place. Ce texte, une novelette plus qu’une simple nouvelle, a été finaliste du prix Theodore Sturgeon en 2018. Il a initialement été publié dans la revue Asimov’s en novembre 2017.

Si vous êtes un habitué à ce blog, vous savez que j’ai une grande admiration pour Greg Egan qui, à travers ses nouvelles et ses romans, pousse depuis les années 90 les frontières du genre par la rigueur de son approche scientifique. Les thématiques qu’il aborde sont le posthumanisme, la nature de la conscience, l’intelligence artificielle, la génétique, les réalités virtuelles, etc. Avec The Discrete Charm of the Turing Machine, Greg Egan revient aux préoccupations qui étaient les siennes dans les nouvelles à l’époque d’Axiomatique, Radieux et Océanique, fabuleux recueils publiés chez Le Bélial, dans lesquels il s’intéressait aux conséquences sociales et individuelles de l’émergence de nouvelles technologies. Ici, il examine les conséquences sur une jeune famille australienne de l’automatisation des tâches par des ordinateurs, des IA, remplaçant petit à petit les humains dans leur travail. Si la fonction de la SF n’est pas de prédire l’avenir, on remarquera tout de même à la lecture de la novellette que Greg Egan s’y montre particulièrement clairvoyant. Le texte, écrit avant l’émergence de ChatGPT et consorts, se montre en effet d’une actualité particulièrement pointue. Le choix de traduire cette nouvelle et de la faire paraitre dans un numéro consacré à l’intelligence artificielle s’imposait donc, d’autant qu’il s’agit à mon avis d’un excellent texte d’Egan.

Et c’est là que ça devient amusant : ayant déjà traduit Un Château sous la mer du même auteur, publié dans la collection Une Heure Lumière (Hors-Série, 2021), l’éditeur de la revue Bifrost m’a proposé de traduire The Discrete Charm of the Turing Machine. Tâche dont je me suis acquitté avec joie. C’est toujours sympa de traduire les auteurs qu’on admire.

Contexte : Dan est vendeur de produits financiers. Après 4 ans de bons et loyaux services, il est remercié et remplacé par un logiciel clonant ses performances. À l’école, sa fille Carlie voit son institutrice remplacée par un avatar sur Ipad, en l’occurrence un lapin. Les mois passent, Dan peine à retrouver un emploi, et cette situation se généralise autour de lui. Nombreuses sont les familles dont les membres se retrouvent durablement au chômage. Chacun réagira comme il peut…

La nouvelle est à la fois très surprenante et très egannienne. Surprenante car, dans la forme, de nombreux éléments inhabituels chez Greg Egan se glissent dans le récit. Il y a notamment, malgré le sujet grave, beaucoup d’humour, ce à quoi Egan ne nous avait pas forcément habitués. Il fait aussi de nombreuses références à la culture populaire, je vous laisse les découvrir. Et dans le fond, et la conclusion, c’est du pur Egan. Greg Egan présente souvent un avenir sombre, où l’humain est confronté aux nouvelles technologies et leurs déviances, mais il ne sombre pas dans le désespoir. C’est à l’opposé de sa philosophie. Il défend le rationalisme et invite l’humanité à prendre son avenir en main. L’option refuge dans les bois ou dans les mondes parallèles n’est pas envisageable chez lui. Cela revient à rendre les armes, alors qu’Egan écrit une science-fiction militante, qui appelle à se tenir debout et aller de l’avant.

Rendez-vous est donc pris pour le 25 janvier 2024, date de sortie du numéro 113 de la revue Bifrost.  J’espère que vous aurez autant de plaisir à lire ce texte que j’en ai eu à le traduire.

L’illustration de couverture pour ce numéro est l’œuvre de Timothée Mathelin qui avait déjà réalisé la couverture du roman L’Affaire Crystal Singer publié chez Albin Michel Imaginaire, ainsi que l’affiche du festival des Intergalactiques de Lyon en 2022.


11 réflexions sur “Le Charme discret de la machine de Turing – Greg Egan (Bifrost n°113)

  1. En effet très belle nouvelle lue en anglais dans le volume Instiation qui va être d’ailleurs traduit chez Le Belial’. Elle me parle d’autant plus que je travaille entre autres dans l’IA mais orientée pour les entreprises avec toute la problématique associée à la sécurité des données pour l’apprentissage. Sans parler de dérives potentielles et du choc économique qu’elle va provoquer à terme.

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    1. Attention, ce n’est pas tout le recueil instantiation qui va être traduit au Bélial mais seulement la trilogie Bit Players (Bit Players, 3-adica, Instantiation). Quant au Charme discret, je suis le premier étonné qu’il n’ait pas été traduit depuis longtemps. C’est un super texte !

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