
Le magazine américain Asimov’s science fiction, qui est de nos jours un bimensuel, publie depuis 1977 à peu de choses près ce qui se fait de mieux en science-fiction en format court. La liste des auteurs publiés par ASF va d’Arthur C. Clarke à Greg Egan, en passant par Octavia Butler, William Gibson, Nancy Kress, Frederik Pohl, Ursula K. Le Guin ou encore Lucius Shepard. Si l’on aime la SF et qu’on lit un peu l’anglais, il est donc intéressant de garder un œil sur ce qui pousse entre ses pages. Le magazine propose chaque année à ses abonnés d’élire les meilleurs textes publiés sur les 12 derniers mois, et a la bonne idée de rendre les textes finalistes accessibles gratuitement. Tout le monde peut ainsi lire une sélection des nouvelles qui se sont distinguées auprès des lecteurs pour leur qualité sur cette page.
On y trouvera la nouvelle The Conceptual Shark de Rich Larson. Ce dernier est un jeune prodige à l’imagination et à la productivité hors norme dont je vous ai déjà parlé à l’occasion de la publication de différentes nouvelles (voir ici), et dont un formidable recueil a été récemment publié chez le Bélial’ sous le titre La Fabrique des lendemains. Et comme ces gens-là ont de la suite dans les idées, l’auteur sera aussi au sommaire du prochain numéro de la revue Bifrost avec une nouvelle intitulée Demande d’extraction. Je l’avais lu en VO. Elle n’est pas très drôle. Oh, je ne dis pas qu’elle n’est pas bonne, au contraire, elle est même excellente. Mais pas drôle. C’est d’ailleurs le cas de la plupart des nouvelles de Rich Larson. Son univers est souvent sombre, violent à l’occasion, et ses textes ont tendance à piquer un peu entre les côtes. Mais l’auteur est quelqu’un de très sympathique (pour le rencontrer, je vous recommande d’aller voir son interview, en français !, menée par son traducteur Pierre-Paul Durastanti) et a beaucoup d’humour. Cela se retrouve dans certains textes facétieux, comme la micronouvelle hilarante 123456.
The Conceptual Shark est un texte humoristique, qui part d’une idée tordue, enchaine les dialogues absurdes, et se conclut par une chute qui lui donne toute sa profondeur. Le narrateur, Adam, a un souci. Il se fait attaquer dans sa salle de bain par un requin surgi de la tuyauterie. Nora, sa psy, tente de le convaincre qu’il ne s’agit là que d’un « requin conceptuel », d’une hallucination qui donne forme à une peur enfouie.
“Sharks don’t talk, Nora.”
Nora raises her eyebrows. “Sharks don’t live in bathroom plumbing.”
Mais rien n’y fait, Adam se fait attaquer chaque fois qu’il approche de l’eau, et manque de se faire dévorer. La folie va croissante. Une solution sera trouvée de manière inattendue dans le bureau de Nora, mais l’ouverture de la boite de Pandore a toujours des conséquences.
On pourra voir, et c’est mon cas, The Conceptual Shark comme une critique de la psychanalyse. Quoi qu’il en soit, le texte est très drôle, la chute vertigineuse, et il est surtout très bien écrit. Voilà donc une très bonne manière de découvrir à la fois l’écriture et une face de l’univers de Rich Larson. Je vous le recommande chaleureusement.
La nouvelle de Rich Larson est effectivement très intéressante, parfois même angoissante (on se croirait dans l’eau avec ce pauvre Adam, avec le requin qui nous tourne autour et nous frôle) Le twist et la fin sont inattendus. Merci pour cette découverte qui donne envie de se plonger dans le reste de la production de cet auteur.
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Hein qu’on se laisse prendre ? La fin m’a fait tomber de mon siège. Si drôle, et si dramatique.
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Très vrai, et en quelques lignes seulement. Ç’aurait pu n’être qu’un « il est fou » ou non, finalement c’est beaucoup plus intelligent que ça. Si La Fabrique des lendemains est du même tonneau, ça promet 🙂
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Oh que oui. La Fabrique est très très fort.
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