Paris perdus – Fabrice Schurmans

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Paris. Les éditions Flatland ont publié le 15 février un recueil réunissant six nouvelles de l’auteur belge, expatrié au Portugal, Fabrice Schurmans, qui par leur univers commun, leur exploration thématique et une progression chronologique, constituent de fait un fix-up.  Fabrice Schurmans y emmène son lecteur dans un monde en déliquescence, qui pour un temps a survécu à l’apocalypse en s’isolant socialement et géographiquement derrière les fausses apparences de la sureté des barrières et des forces armées privées, mais l’apocalypse n’a jamais dit son dernier mot.

Nous sommes là sur le territoire connu et maintes fois parcouru de la dystopie, avec ses figures imposées, comme les enclaves privilégiées tenues par des politiques sécuritaires, et une ségrégation sociale poussée à son paroxysme infernal et mortifère. New Paris est une cité protégée du crime et de la pollution où, grâce au président Guy Maclot en place depuis 30 ans, il fait bon vivre et personne ne connait le chômage ou la pauvreté. L’air est pur et les rues sont propres, les oiseaux rivalisent de couleurs chatoyantes avec les papillons. Mais tout ceci n’est bien sûr qu’un décor de théâtre, ou de film comme nous le rappelle les multiples références au cinéma qui égrainent les six textes. New Paris a des vices et au dehors, derrière ses enceintes sécurisées, c’est un tout autre monde qui grouille. Old Paris n’est que ruine, violence, et misère. Il y a le dedans et le dehors. New et Old, deux Paris perdus, deux mondes que tout oppose, que tout sépare et qui ne peuvent qu’entrer en conflit. Il y a tout d’abord la face cachée de New Paris, qu’explore les premiers textes du recueil, sous une forme qui relève du polar. Des enquêtes, des événements, qui dévoilent progressivement la supercherie, la violence sous-jacente au rêve de quelques-uns, et révèlent une société qui repose sur la déshumanisation et le mépris de ce qui se trouve en dehors de ses frontières. Puis vient la confrontation, l’intrusion du moins qu’humain, du sauvage, de la bête, du mutant, des monstres, puis la guerre, la violence et l’effondrement. Toujours au gré des références cinématographiques, on glisse du polar à l’horreur.

« On a cru éliminer le désespoir en reléguant les désespérés. On n’a fait que l’accroître »

En reprenant à son compte les clichés du genre, Fabrice Schurmans ne rebat pas fondamentalement les cartes de la science-fiction dystopique et post-apocalyptique, mais il conçoit en six textes un univers cohérent et sombrement réaliste, que les illustrations de Caza glissées entre les nouvelles accompagnent superbement. Il porte un regard sans illusion en évacuant tout possibilité d’un avenir radieux. Son futur n’est pas bien différent de notre présent, et il suffit d’extrapoler un tout petit peu pour s’y projeter. Et dans cette proposition, la perte n’a qu’une seule origine : l’homme lui-même.


D’autres avis : Le Nocher des livres,


  • Titre : Paris perdus
  • Auteur : Fabrice Schurmans
  • Publication : 15 février 2024, Flatland, coll. La Fabrique d’horizons
  • Illustrations : Philippe Caza
  • Nombre de pages : 134
  • Format : broché (9€)

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