
Le numéro 101 de la revue Bifrost, qui se trouve être la meilleure revue de SF de l’univers (je suis corrompu), contient une nouvelle de Greg Egan que je ne connaissais pas. Celles-ci sont rares, mais elles existent, pour mon plus grand plaisir. Il s’agit ici de La Fièvre de Steve, sous une traduction d’Erwann Perchoc (Steve’s Fever, MIT Technology Review, 2007).
Comme vous le savez sans doute, Greg Egan est un auteur d’une discrétion absolue. Il n’existe aucune photographie de lui, il n’apparait jamais en public, ne participe pas aux conventions et donne rarement des interviews (et quand il en donne…passons). En somme, il refuse les lumières, les paillettes, et toute forme de showbiz.
Ce caractère trempé se retrouve évidemment dans ses écrits. Le sense of wonder qu’on peut avoir en lisant une nouvelle ou un roman de Greg Egan n’est jamais le produit d’une démonstration pyrotechnique sur fond vert, mais bien l’ivresse des profondeurs lorsqu’il nous emmène dans les tréfonds d’un concept scientifique, ou d’une idée tordue, projeté jusque sur l’horizon des possibles. Et comme Egan est rigoureux, la lumière ne dévie pas. La projection se fait là où elle doit se faire, et ne s’égare pas dans des chemins de traverse. En d’autres termes, Greg Egan ne cherche pas à éblouir coûte que coûte en s’autorisant des facilités scénaristiques. La Fièvre de Steve est un exemple de cette droiture. L’auteur australien part d’un postulat de départ, et s’y tient, sans jamais céder au chant des sirènes.
L’histoire se déroule dans un futur qu’on peut situer à quelques dizaines d’années, un demi-siècle tout au plus. L’époque, sans être post-apocalyptique, est marquée par un conflit entre l’humain et une intelligence artificielle distribuée qui s’est répandue dans la nature sous la forme de nanorobots. Tels ces parasites qui, comme l’Ophiocordyceps unilateralis de la fourmi ou le Toxoplasma gondii des mammifères, modifient le comportement de leur hôte, ces minuscules machines investissent des hôtes humains pour les pousser à accomplir des tâches servant leur but. Je n’en dirai pas plus ni sur l’origine de ces nanorobots – qui détermine leurs pérégrinations – ni sur leur but ultime. Sous la plume de tout autre auteur de science-fiction, Fièvre de Steve n’aurait été qu’une variation du thème de Terminator. Chez Egan, c’est évidemment tout autre chose car, comme je le disais ci-dessus, il s’en tient rigoureusement à son postulat de départ et en examine les conséquences. Pas de final pétaradant, donc, mais une réflexion sur l’intelligence (ou pas) artificielle, à contre-courant de nombreux récits de SF. Du Greg Egan quoi.
L’illustration utilisée en tête d’article est celle de Nicolas Fructus pour la revue Bifrost.
Ce genre de chroniques donne vraiment envie de plonger dans ce texte et dans tous ceux de Greg Egan. Mais j’avoue que le côté hard science me fait peur.
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Sur un texte court comme celui-ci, le côté hard-sf est relativement soft, et très digeste je pense.
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