Les Champs de la Lune – Catherine Dufour

Voici une récension tardive puisque le livre dont il est ici question est paru il y a plus d’un an, en septembre 2024. Je l’avais lu et critiqué à sa sortie pour le numéro 116 de la revue Bifrost consacré à Catherine Dufour. Embargo oblige, je ne peux vous retranscrire mon avis qu’aujourd’hui.

Behind the scene : il y a cinq ans, les éditions Robert Laffont m’avaient contacté pour participer à la révision de la traduction originale du roman Dune de Frank Hebert  – aventure dont j’ai déjà parlé ici. La version révisée a été publiée en octobre 2020. Quelques mois plus tard, je rencontrais dans les locaux de la maison d’édition Glenn Tavennec, Camille Racine et Fabien Le Roy, l’équipe qui réfléchissait alors à ressusciter la mythique collection Ailleurs et Demain laissée en sommeil depuis quelques années. Autour d’un déjeuner de travail, nous avons évoqué différentes pistes potentielles ; et bien sûr, le premier nom qui vint sur la table, du côté des auteurs français, fut celui de Catherine Dufour – qu’il est inutile, je pense, de présenter. Quelques années plus tard, ce projet fut donc concrétisé avec la publication de Les Champs de la Lune, roman couronné depuis par le prix Rosny Aîné et le prix SGDL / Yves & Ada Rémy des littératures de l’imaginaire. Les Champs de la Lune marque le retour de Catherine Dufour à la science-fiction, plus de dix ans après Outrage et Rébellion, et après quelques détours par la fantasy, le fantastique ou les essais.

Nous sommes en 2324. La Lune est habitée depuis deux siècles mais n’imaginez pas une terraformation miraculeuse qui aurait changé notre satellite en un nouvel Eden : l’astre sélène demeure sans atmosphère, aride, battu par les vents solaires et les variations extrêmes de température. L’humanité est un peuple troglodyte, soulunaire, réfugié dans des cités bâties au cœur des tunnels de lave formés il y a des milliards d’années. El-Jarline, l’une des rares à travailler en surface, est employée par la cité de Mut. Seule avec son chat Trym – qui parle peu, mais avec humour – elle veille sur la ferme Lalande, protégée sous un dôme. Elle y cultive diverses espèces légumières qui alimentent la cité, mais aussi fleurs, arbres et quelques animaux qui ont su s’adapter à la rudesse des conditions. Ses rapports étant jugés trop laconiques, on l’encourage à nourrir son écriture de littérature. Ainsi naît le journal dans lequel El-Jarline raconte la vie de la ferme, fait part de ses observations, ses découvertes et déconvenues, les dangers auxquels elle se confronte, l’inquiétante prolifération de la minicola. En horticultrice, elle livre un regard décalé, mais aiguisé, sur la société lunaire, ses cités confinées, les troubles qui affectent les habitants et leurs pathologies, comme la terrible fièvre aspic responsable de tant de décès. On le sait par ici, la littérature à cet effet, sur qui en use, d’étendre le domaine des émotions qui ne demandent plus alors qu’à s’exprimer. Le journal d’El-Jarline devient le miroir d’une conscience en éveil. Puis un changement profond va s’opérer en elle le jour où on lui confie une petite fille de la cité. Ce sera le début d’une quête intérieure qui mènera à une révolution personnelle.

Les Champs de la Lune est un roman profondément dufourien par ses racines les plus sombres, mais il se pare d’un feuillage aux couleurs originales et resplendissantes. C’est tout d’abord un texte immensément poétique et Catherine Dufour y signe parmi les plus belles descriptions de la surface de la lune, évoquant parfois la Trilogie martienne de Kim Stanley Robinson. C’est aussi un récit de science-fiction qui ne s’excuse pas de l’être, un planet-opera élaboré où affleure, à demi-mots, le vertige des espace-temps infinis. C’est enfin une méditation écologique sensible sur la place de l’humain au sein du vivant et les choix de survie sur le long terme. Du beau et grand Dufour.


  • Titre : Les Champs de la Lune
  • Autrice : Catherine Dufour
  • Publication : 26 septembre 2025, Robert Laffont, coll. Ailleurs et Demain
  • Illustration de couverture : Aurélien Police
  • Nombre de pages : 288
  • Format : broché (20,50 €) et numérique (13,99 €)

12 réflexions sur “Les Champs de la Lune – Catherine Dufour

  1. Hum, intriguant ! Maintenant on n’a plus le choix ; il nous faut nous le procurer…

    … si on veut tirer au clair si c’est bien sa révolution personnelle qui lui fait changer de nom plusieurs fois : El-Jarmine, El-Jamine ou El-Jasmine… 😉

    (commentaire pouvant être effacé en cas de correction)

    Aimé par 2 personnes

    1. je comprends, j’ai eu des retours d’autres lecteurs qui sont aussi totalement passés à côté. Souvent décontenancés par les longues descriptions. Ca arrive. Ca m’arrive souvent sur des livres considérés par d’autres comme des chefs d’œuvre.

      Aimé par 1 personne

  2. Tu évaille méchamment ma curiosité. J’apprécie les textes de C. Dufour, et le côté poétique a tendance à me séduire. Mais comme toujours, tant de livres intéressants, si pue de temps. Je vais tout de même me le noter en raison de Catherine Dufour et surtout de ton enthousiasme.

    Aimé par 1 personne

Répondre à Celesti0n Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.