L’Effet coccinelle – Yann Bécu

Ma récente découverte de Sous la brume, dernier roman en date de Yann Bécu, auteur que je n’avais jamais lu, m’a donné l’envie de lorgner sur ses deux précédents romans, Les Bras de Morphée et L’Effet coccinelle, en renvoyant leur lecture aux calendes phéniciennes. Mais face à une pile de bouquins à lire déprimante – non pas en termes de qualité mais de thématiques, j’ai décidé de faire du rire une de mes priorités. J’ai donc lu ce dimanche L’Effet coccinelle. Publié en 2021, le roman a reçu un certain écho, des plus positifs, chez les chroniqueurs habituels des littératures de l’imaginaire à sa sortie. Ayant rapidement parcouru ces retours, je savais donc à quoi m’attendre, d’où un choix éclairé et récompensé.

Roman de science-fiction satirique, désinvolte et franchement drôle – jusqu’à l’éclat de rire parfois – L’Effet coccinelle fait le récit des aventures malheureuses d’un trio de sympathiques bras cassés. Raphaël, Eyaël, et Gabriel alias « Mitraillette » sont des Boueux, les employés du bas de l’échelle au sein d’une entreprise extraterrestre de panspermie galactique à l’origine de toute vie intelligente sous les étoiles. Car non, Dieu n’a pas créé Adam et Eve et homo sapiens n’est que le résultat peu reluisant d’un projet de fond de tiroir, pas un premier choix, ni un deuxième, et cela se ressent. Et si les noms des trois compères vous évoquent quelque chose, c’est qu’ils trainent dans les parages depuis un certain temps… Le problème de l’humain est qu’il est génétiquement instable, mal foutu, laid, et porté vers la fourberie, voire la violence. De quoi ternir le score de succès de la Ruche M828, le vaisseau d’ingénierie civilisationnelle sur lequel ils effectuent depuis quelques centaines de milliers d’années leur service spatial obligatoire. Pire encore, un humain s’apprête à publier la preuve irréfutable (bien qu’erronée) de l’existence de Dieu. Sur Terre, ça revient à jouer avec des allumettes au milieu d’une poudrière car la question qui se pose immédiatement est : quel dieu au juste ?

Si au début les règles d’intervention étaient scrupuleusement respectées, soit une influence discrète dans l’histoire des civilisations pour remettre l’humanité sur la bonne voie, celle d’une société apaisée et bienveillante, nous n’en somme plus là. L’époque est aux mandales dans la tronche, voire au cadavre au fond des bois. À la condition de rester discret, aussi bien auprès des humains que de la hiérarchie de la Ruche. Pas question de révéler ses bévues ni les mesures extrêmes prises pour tenter de les corriger. Lorsqu’on est boueux, on la ferme et on s’exécute lorsque les Scribes décident de lancer l’opération Bordel de Dieu qui implique de multiples interventions à diverses époques. Pour Raphaël, Eyaël, et Mitraillette, ce sera à Paris en 2030. Mission simple : on bute le théologien, on crame son manuscrit et on en parle plus.

Enfin, ça c’est l’idée sur laquelle s’ouvre le roman. Mais les choses partent vite en vrille et le trio accumule les bourdes. L’Effet coccinelle s’organise en deux parties distinctes. Dans la première, nos Boueux occupant des corps d’emprunt ratent à peu près tout ce qu’ils entreprennent. La preuve de l’existence de Dieu est publiée et la seconde partie du roman en tire les conséquences, sous le regard des trois larrons coincés sur Terre, alors qu’ils cherchent le moyen de quitter la planète et de rentrer à la Maison Mère. Cette bascule est la bienvenue car elle relance le roman à un moment où le lecteur se demande si la succession de sketchs va mener quelque part avant de lasser. Yann Bécu gère son récit et nous tient accrochés au bord des pages. L’auteur s’en donne à cœur joie : critique des religions, des travers humains et des gouvernements, mais aussi de l’administration et de sa hiérarchie qui ne cherche qu’à se couvrir au point de fabriquer de toute pièce des rapports pour masquer la réalité du terrain. À la fin, c’est toujours le boueux qui prend.

Si vous ressentez soudain l’envie d’un moment de détente livresque, lire L’Effet coccinelle peut s’avérer un choix pertinent à la condition d’être sensible à ce genre d’humour un peu barré, un peu cynique, érudit quand il le faut (les dialogues en étéocrétois sont un régal), et toujours très second degré. Pour ma part, je ne tarderai pas à me lancer dans Les Bras de Morphée car lire Yann Bécu ces temps-ci me fait du bien.


  • Titre : L’Effet coccinelle
  • Auteur : Yann Bécu
  • Publication originale : 3 juin 2021, chez L’Homme sans nom, repris chez Pocket en juin 2022
  • Nombre de pages : 320
  • Format : broché (21,90 €), poche (9,90 €) et numérique (5,99 €)

3 réflexions sur “L’Effet coccinelle – Yann Bécu

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