
La nouvelle livraison de la revue des mondes imaginaires éditée par les éditions Le Bélial’, Bifrost, arrive dans toutes les bonnes boites à lettres et quelques librairies au goût sûr et orienté vers les mauvais genres. Ceux qu’on préfère. Le numéro est consacré à l’auteur gallois Alastair Reynolds qui a récemment fait une entrée remarquée et attendue dans le catalogue des romans publiés par l’éditeur avec la parution en début d’année de l’excellent Eversion. Du côté des nouvelles proposées, encore une fois, les textes sont de très bon niveau, et on y retrouve des auteurs « maison » : Ken Liu, Ian R. MacLeod, Olivier Caruso et Alastair Reynolds.
Idoles – Ken Liu
Voilà un texte que j’avais lu lors de sa publication en VO dans l’anthologie Made to Order de Jonathan Strahan, et déjà chroniqué sur ce blog. Je vous renvoie donc à la chronique originale. C’est du Ken Liu, c’est excellent, et c’est traduit par Pierre-Paul Durastanti, comme d’habitude.
Bien-aimé – Ian R. MacLeod
Le second texte invite un auteur lui-aussi déjà plusieurs fois publié par l’éditeur, notamment avec la nouvelle La Viandeuse dans le numéro 102 de la revue, texte qui avait fait sensation et gagné le prix des lecteurs, ainsi que dans la collection Une Heure-Lumière avec Poumon Vert et Isabel des feuilles mortes. Bien-aimé est un texte très court, écrit au présent et à la seconde personne du singulier, un tutoiement qui lui donne des airs de chanson rock des années 70-80.
« Il n’existe qu’une route à travers la nuit, elle mène à un endroit plus loin que tous les autres endroits dans une longue rue entre nulle-part. »
De fait, c’est un texte très rock’n roll qui se lit en écoutant Walk on the Wild Side de Lou Reed. C’est une plongée futuriste en enfer dans le monde de la prostitution. Je n’en dirai pas plus, ça se déguste, tout est dans l’ambiance parfaitement retranscrite par la traduction encore une fois parfaite de Michelle Charrier, comme pour les textes précédents de l’auteur. Un grand texte.
L’Avertissement – Olivier Caruso
Olivier Caruso est de retour dans les pages de Bifrost. Avec désormais six nouvelles publiées dans la revue et une novella dans la collection Une Heure-Lumière, Symposium Inc, L’auteur est un habitué de la maison. Il se trouve que c’est aussi un type sympa, qui sait recevoir les critiques avec le sourire et relancer la discussion. L’Avertissement est une nouvelle cynique, emplie d’humour, et tout à fait cruelle dans le regard qu’elle porte sur l’aspect pervers des nouvelles technologies dans nos vies. De ce point de vue, Olivier Caruso est , à l’instar d’un Greg Egan, un moraliste. Ses histoires pourraient inspirer chacune un épisode de la série Black Mirror. Côté écriture, on retrouve le style Caruso : des phrases courtes, un débit rapide et une écriture au présent qui donnent un sentiment d’urgence. Pour résumer le propos, il suffit de citer l’auteur lui-même : L’Avertissement est une sorte de « Minority Report sans la magie bizarre dans une baignoire ». Il imagine une technologie, en fait une IA prédictive qui, à partir des données accessibles en ligne, prédit qui va potentiellement passer à l’acte et commettre un crime. Mais plutôt qu’arrêter le suspect, celui-ci reçoit un avertissement accompagné d’un chèque, une somme d’argent importante qui l’incite à se reprendre en main et à rentrer dans le droit chemin avant que la justice ne doive sévir à son encontre. Evidemment, ça va déraper. Aussi bien en raison de l’arbitraire de la chose mais aussi en raison de la nature humaine qui fait que tout le monde est une graine de criminel prompt à abuser le système. C’est malin et très réussi.
Bleu Zima – Alastair Reynolds
Voilà un autre texte que j’avais lu en VO dans l’excellent (je ne le dirai jamais assez) recueil Beyond the Aquila Rift, sorte de Best-of d’Alastair Reynolds, et chroniqué il y a quelques temps déjà. Je vous renvoie donc à la chronique originale. Au-delà de sa très grande poésie, cette nouvelle a la particularité d’avoir été adaptée dans la saison 1 de la série Love, Death and Robots avec des visuels époustouflants. La traduction est de Laurent Queyssi à qui l’on doit aussi celle de la novella La Millième nuit publiée dans la collection Une Heure-Lumière. Il est à parier qu’on retrouvera l’auteur dans le catalogue des éditions Le Bélial’ avant la fin du monde. Si Cthulhu le veut bien.
Une réflexion sur “Quatre nouvelles – Bifrost numéro 110”