Eversion – Alastair Reynolds

Alastair Reynolds, astrophysicien gallois devenu auteur de science-fiction, a toujours fait de l’exploration un thème central de ses écrits, et ce depuis son tout premier roman, Revelation Space, publié en 2000. Ce qui est somme toute assez peu surprenant de la part d’un scientifique, et plus encore d’un astrophysicien dont l’exploration de l’univers, comme ultime horizon, est la raison d’être. C’est ainsi qu’il est devenu l’un des plus renommés auteurs britanniques de space opera de cette génération. La majeure partie de ses romans et nouvelles aborde ainsi l’exploration de l’espace et la rencontre avec des civilisations extraterrestres ou, tout le moins, le souvenir de leur existence.

Ce sont des thématiques que l’on retrouve à nouveau dans son dernier roman, Eversion, mais sous une forme assez surprenante pour ses lecteurs habituels et fort originale. Et là, à cet instant, le chroniqueur de littérature science-fictive que je suis se trouve devant un affreux dilemme pour vous en parler, car tout le plaisir que vous pourrez tirer de sa lecture viendra du fait que je ne vous en dise rien, pour que la surprise soit entière. Je vais donc tâcher de vous en dire le moins possible, et ce sera une courte recension, mais essayer tout de même de vous donner l’envie de le lire, ou d’impatienter jusqu’à sa traduction en français. Il faudra se laisser aller de découverte en découverte, de révélation en révélation, pour pleinement apprécier le travail d’orfèvre déployé par Alastair Reynolds dans ce roman. Sachez que je l’ai reçu hier, que je n’avais pas prévu de le lire dès maintenant, mais que j’ai fait l’erreur de l’ouvrir et que je ne l’ai reposé que tard dans la nuit, une fois la dernière page tournée. C’est peut-être là le meilleur argument que je puisse vous fournir pour vous convaincre de ses qualités.

Nous sommes au début du 19e siècle, au large de la Norvège. La goélette Demeter remonte la côte vers le nord pour une mission d’exploration scientifique financée par un riche chasseur de trésor qui s’est mis en tête de trouver un passage vers un Fjord inconnu mais dont il aurait eu connaissance par l’intermédiaire de documents maritimes retrouvés et chèrement acquis. Le docteur Silas Coade est le médecin du bord et le narrateur, à la première personne, des aventures qui nous sont racontées dans le roman. Les choses ne se déroulent évidemment pas très bien et à la page 74 tout bascule. Et l’histoire reprend… Voilà, je ne peux vous en dire plus, car tout ce qui se déroule à partir de ce moment fait le sel du récit. Disons qu’Eversion possède un point d’entrée, qui se situe au 19e siècle quelque part au Nord de Bergen, et un point de sortie, qui lui se situe… loin dans le futur. La structure du livre est basée sur une récurrence et un certain nombre d’itérations qui nous emmènent de la première à la dernière page.  

 » I stared into the void inside the helmet. The void stared back. There was blackness there, and for an instant I thought it a complete absence of form, as if the helmet were entirely empty. But I needed only wait to the light to worm its way inside. By degrees, a face emerged. It was not really a face at all. It was a skull, garbed in only the thinnest mantle of withered flesh. To the dream of whispers, I added a scream. « 

Dans la forme, Eversion est un récit d’aventure, d’exploration au sens premier du terme, avec en son sein un mystère qui ne se dévoile que lentement, Reynolds disséminant habilement les indices jusqu’à une résolution grandiose dans laquelle tous les éléments s’assemblent et prennent sens. Cet aspect en fait un véritable page-turner ludique qui vous gardera éveillé jusqu’aux heures les plus sombres de la nuit. C’est un récit de science-fiction qui flirte avec l’horreur (on pourra faire un rapprochement avec la novella Diamond Dogs de l’auteur sur certains éléments bien précis), et cet aspect là vous gardera éveillé jusqu’aux heures les plus claires de l’aube. Mais le roman porte en plus une dimension metatextuelle et constitue un hommage appuyé, non seulement à l’écriture de fiction, mais aussi à l’histoire de la littérature de science-fiction depuis les romans de Jules Verne, ceux d’Edgar Rice Burroughs, et aussi de Lovecraft, jusqu’à 2001 l’Odyssée de l’espace et à l’œuvre de l’auteur lui-même. Enfin, ça n’a pas toujours été le cas, notamment pour ses premiers romans, mais Eversion est un livre que j’ai trouvé formidablement bien écrit avec un style qui s’adapte au récit et évolue au cours du roman.

Après quelques errances regrettables, comme avec Permafrost ou la série Vengeresse, Alastair Reynolds montre qu’il reste capable de surprendre son lectorat et d’écrire de très bons romans de SF. Eversion est de ceux-là. J’ai eu énormément de plaisir à lire ce formidable hommage à l’exploration, aux récits d’aventure et à la science-fiction.

PS: le roman a été publié le 23 février 2023 aux éditions Le Bélial’ sous une traduction de Pierre -Paul Durastanti.


D’autres avis : Gromovar (VO), et sur la traduction au Bélial’ : Au Pays des Cave Trolls, Lorhkan, Le Maki, Yuyine, Albedo, Anudar,


  • Titre : Eversion
  • Auteur : Alastair Reynolds
  • Langue : anglais
  • Publication : 26 mai 2022, chez Golancz
  • Nombre de pages : 320
  • Format : papier et numérique

24 réflexions sur “Eversion – Alastair Reynolds

  1. Je suis à la moitié du roman dans sa version française et le moins que je puisse dire c’est qu’Alastair Reynolds a piqué ma curiosité. Je ne cesse d’échafauder des théories et de me demander où l’auteur veut nous emmener avec ces itérations. A noter aussi le travail du traducteur, car aux fur et à mesure de l’avancé dans le temps le niveau de langage évolue sensiblement.

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  2. En effet je n’avais encore rien vu ! Terminé à l’instant et c’était génial. Ce n’est que dans le dernier tiers que j’ai commencé à vaguement me douter de quelque chose approchant l’explication finale. J’en ressors avec le sourire aux lèvres et l’impression de m’être gentiment fait promener par le bout du nez. La fin est aussi satisfaisante sur le plan narratif que belle et émouvante.
    Vivement la parution de House of the suns !

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  3. je viens de le finir. Éversion est tout simplement génial. Pour une raison mystérieuse, je ne connaissais pas Reynolds et à vrai dire , sans cette critique j’aurai peu être passé mon tour devant ma PAL en pleine inflation. J’ai rapidement accroché car j’adore les récits maritimes et l’écriture est vraiment soignée. j’avais quand même un peu peur de me retrouver dans un roman fantastique et la référence au Demeter de Dracula m’inquiétait. Et puis bang, premier changement brutal et inattendu et là je crois que je commence à saisir un peu et je me trompe lourdement mais je suis complètement dedans et ne lâche plus le bouquin. La complexité est crescendo mais tellement prenante que j’en reste encore étourdi.

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