Sarcophagus – Ray Nayler

La livraison Clarkesworld d’avril 2021 est un bon cru. Voilà un petit moment que je n’avais pas chroniqué une nouvelle publiée dans ce magazine iconique de scène SF anglo-saxonne, tout simplement parce que je n’y avais rien lu de très inspirant. C’est bien simple, la dernière en date est You and Whose Army de Greg Egan, publiée en octobre 2020, que j’ai depuis traduite et qui sera publiée sous le titre « Un Château sous la mer » dans le numéro hors-série de la collection Une Heure-Lumière chez Le Bélial’ en mai. Tout ça pour vous dire que si la maison ne fait pas crédit (d’autant qu’ici tout est gratuit), l’épaule d’Orion s’efforce néanmoins de proposer une qualité et un service irréprochable à ses invités ! Et les invités, c’est vous, amis lecteurs.

Dans les jours à venir, je vous parlerai de plusieurs textes issus du numéro d’avril de Clarkesworld et, pour commencer, d’une courte nouvelle de Ray Nayler : Sarcophagus. Vous souvenez-vous qu’il y a un an presque jour pour jour, je vous proposais un article intitulé L’IA dans l’armure où je mettais en parallèle trois textes de Iain M. Banks, Eric Brown et Alastair Reynolds en raison des fortes similitudes qu’on peut trouver dans ces trois histoires qui parlent d’armures dotées d’une intelligence artificielle ? On pourra rapprocher la nouvelle Sarcophagus de ces trois textes, bien que l’auteur opère un renversement qui en fait tout le sel. Nous sommes ici dans le domaine de la hard-SF. Ne fuyez pas, lecteurs, le texte est tout à fait abordable et ne contient aucun élément qui nécessite un diplôme scientifique pour être compris. L’approche de Ray Nayler se compare plus à celle de Rich Larson que de Greg Egan, c’est-à-dire qu’il prend pour acquis certaines inventions d’autres auteurs de hard-SF et construit méthodiquement son histoire à partir de ces éléments sans l’alourdir d’explications techniques.

Sarcophagus raconte l’arrivée sur une planète potentiellement terraformable d’un astronaute humain quelques siècles dans notre futur. Sa particularité est qu’il n’a pas fait le voyage. Au lieu de cela, quelques siècles plus tôt, furent physiquement déposés sur la planète une balise (beacon) et plusieurs dépôts de survie. Cette balise contient des corps vides, dans lesquels il est possible de transférer plus tard par faisceau laser les personnalités digitalisées d’explorateurs. On retrouve là une idée développée par Greg Egan dans le cycle de l’Amalgame et notamment dans la nouvelle Riding the crocodile qui sera publiée le 20 mai dans la collection Une Heure Lumière chez Le Bélial’. Cette technique permet, de manière détournée, de voyager à la vitesse de la lumière et donc sur des distances inimaginables.

Mais l’astronaute narrateur se voit immédiatement confronté à plusieurs problèmes qui tous, sous quelque angle qu’on les considère, aboutiront inévitablement à son trépas précoce. En premier lieu, la température de la planète est beaucoup plus basse que prévue, entre -40°C et -60°C. De plus, les autres astronautes qui devaient l’accompagner sont morts, ou plutôt ont subi une erreur de transfert. Il est donc seul. Enfin, plusieurs dépôts de vivres lui sont inaccessibles ou sont endommagés.  Il va lui falloir entreprendre un voyage de plusieurs jours sur l’immense glacier qui couvre la planète pour tenter d’atteindre le dépôt le plus proche, et cela en gérant tant bien que mal les réserves d’énergie de la combinaison qui lui permet de survivre sous ces températures extrêmes. À ce stade, la nouvelle évoque Marche au Soleil de Geoffrey A. Landis, publiée dans le numéro 95 de la revue Bifrost. C’est une histoire de survie sur une planète inhospitalière avec des ressources qui s’amenuisent inexorablement. Le talent d’écriture de Ray Nayler fait a magie du récit dans les évocations de ce périple glaciaire. Mais les choses vont se compliquer encore lorsque l’astronaute narrateur va découvrir que cette planète héberge la vie… Quel rapport avec l’article L’IA dans l’armure dont je parlais plus haut me demanderez-vous, lecteurs à la sagacité sans égale ? Et bien il vous faudra lire la nouvelle pour le savoir, et ce final malicieux qui n’est pas sans rappeler la nouvelle Laying the Ghost d’Eric Brown.

Courte et efficace, Sarcophagus est une nouvelle de hard-SF à twist, très abordable et fort plaisante à lire. De Ray Nayler, j’avais déjà apprécié la nouvelle Fire in the Bone, publiée dans Clarkesworld en janvier 2019. Sarcophagus me confirme qu’il me faudrait me pencher plus en détail sur les productions de cet auteur.


D’autres avis : chez l’ami Gromovar,


11 réflexions sur “Sarcophagus – Ray Nayler

  1. Merci pour la découverte de cette nouvelle !

    C’était effectivement assez accessible pour celui qui a un bon niveau en anglais… j’espère qu’un jour j’aurai l’occasion de parler de la fin avec quelqu’un… voir si j’ai bien compris…

    En tout cas, ça m’a donné froid :-p Merci !

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  2. Lue. Pour répondre à ta question, voilà comment j’interprète la fin / l’intention de la nouvelle : (SPOILERS !) l’extraterrestre du cairn était vêtu d’une combinaison biomécanique qui l’a maintenu en vie après son crash autant qu’elle l’a pu, puis, quand il est mort, elle s’est cherchée une nouvelle mission. Et cette mission, c’était de maintenir en vie l’humain qu’elle a découvert. Pour moi, cette nouvelle raye le mot « fin » dans la nouvelle « Descente » de Banks et imagine la suite. On peut aussi la rapprocher, à mon sens, de la nouvelle « Les cercueils  » (Coffins) de Robert Reed : une machinerie entièrement axée sur la survie interprète ses instructions de base de manière très « créative » quand tout est foutu. enfin bon, c’est comme ça que je l’interprète. Et toi et nos amis communs, vous interprétez ça comment ?

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