
L’écriture et de la publication de City Under the Stars par Gardner Dozois et Michael Swanwick est une histoire longue de plus d’un quart de siècle. Elle est racontée en postface du livre par Michael Swanwick. Tout commence par un texte, initialement nommé The Digger Novel, que Gardner Dozois avait écrit et qu’il gardait dans un carton, ne le faisant lire qu’à quelques amis proches. Ne sachant comment terminer cette novella, il proposa à Michael Swanwick une collaboration qui aboutit à la publication de The City of God en 1995. Dozois avait souhaité une fin ouverte, afin que les deux auteurs puissent un jour y revenir et compléter le récit pour en faire un roman. Deux autres novellas étaient prévues à cet effet : The City of Angels et The City of Man. Les années passèrent, et seulement une moitié de The City of Angels fut écrite avant que Gardner Dozois ne s’éteigne en mai 2018. C’est en hommage à son ami disparu – et hommage il y a, jusque dans la toute dernière phrase du livre – que Michael Swanwick a entrepris de terminer le récit, en retravaillant The City of Angels afin de l’amener jusqu’au happy ending prévu pour ce qui aurait dû être The City of Man. City Under the Stars a été publié en août 2020 chez Tor.com.
« It was high summer in Orange, in York, in the Human Domain of Earth. There was commerce in the town, crops in the field, beasts in the byre, bandits in the roads, thants and chimeras in the hills, and God in His Heaven – which was fifteen miles away, due east. »
Futur plus lointain qu’on ne pourrait le penser de prime abord, et dystopique. Carl Hanson se tue dix heures par jour, depuis quinze ans, à pelleter une montagne de charbon au fond d’un trou dans la zone industrielle d’Orange. L’autre choix serait de rejoindre la cohorte des blacklistés, ceux qui jamais plus ne retrouveront un travail, et qui crèvent dans les faubourgs de la ville, de faim, de maladie, ou sous les coups des services de sécurité. Le régime est brutalement autoritaire, en guerre permanente contre le Sud, ce Sud, un Sud, un ennemi que jamais on ne croise mais qui justifie tout. Hanson craque et la tragédie frappe. Il fuit la ville, vers le Nord, mais les péripéties qui marquent son bref voyage l’amènent au pied du mur iridescent de la Cité du Dieu qui s’étend du Nord au Sud sur des milliers de kilomètres. Nul ne sait ce qui se trouve au-delà du mur impénétrable. Hanson va le découvrir.
Quittant la dystopie, c’est une utopie qu’Hanson trouve dans la Cité de Dieu, ou plutôt ce qu’il en reste. Point de dieux derrière les murs mais une féérie technologique telle, qu’elle s’apparente aux yeux d’Hanson à de la magie, aussi puissante et bénéfique qu’elle peut être mortelle. Deus ex machina ! Si Hanson refuse le pouvoir qui lui est offert, d’autres vont le convoiter.
La première partie du récit, qui reprend la nouvelle inédite The Digger Novel, texte écrit, réécrit, remanié des années durant par Gardner Dozois, et qui motiva toute cette longue aventure littéraire, est admirable au point qu’on se dit qu’on tient là un très grand texte et qu’il ne pouvait en être autrement, qu’il fallait l’écrire ce roman. Mais City Under the Stars n’est au final pas un grand texte, car ce qui suit n’est pas à la hauteur des prémices. On pouvait s’y attendre car c’est bien souvent le cas, qu’il y ait un auteur ou plusieurs, la construction du roman souffre très clairement des longues années de son élaboration et on peine à la lecture à agencer les morceaux. On garde cette impression de fix-up, de suite de nouvelles recollées pour en faire un récit plus long. Mais les changements de perspective semblent artificiels. Le personnage principal – les autres étant si peu écrits qu’il est inutile de les mentionner – traverse des phases de développement qui sont affaiblies par l’incohérence globale de son caractère et de ses actions. Au risque de se montrer cruel, il aussi reconnaître que la qualité d’écriture n’est plus là. Et puis, le récit ne résiste pas à la tentation de faire de son héros une figure christique, dont le sacrifice et le parcours l’élèveront au rang de messie. Certes la fin est heureuse, mais facile, tellement facile. De mon côté, je résisterai à la tentation de faire un parallèle avec un certain livre qui en 1965 manipulait tout autrement la figure du héros et du Messie.
Si City Under the Stars peut être apprécié comme le dernier écrit de Gardner Dozois, je pense qu’il se réservera à ses amateurs. Au-delà de la première partie du roman, les autres risquent de ne pas voir un immense intérêt à ce récit trop bricolé pour maintenir tout du long une cohérence romanesque véritablement séduisante.
- Titre : City Under the Stars
- Auteurs : Gardner Dozois et Michael Swanwick
- Publication : 25 Août 2020 chez Tor.com
- Langue : anglais
- Nombre de pages : 272
- Format : papier et numérique
J’ai tenté un Swanwick (Les fleurs du vide, qui jouit pourtant d’une belle réputation) il y a un ou deux ans, et j’ai stoppé au bout de moins de cinquante pages, tellement j’ai trouvé ça imbuvable. Vu ce que tu dis de ce texte, ce n’est pas avec lui que je remettrai un pied dans la prose de l’auteur pour voir si l’eau est bonne. Merci pour ta critique salutaire !
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Intéressant, toute la première partie me fait un peu penser à 1984 (un parallèle très rapide j’avoue) la suite, je ne comprends pas trop, mais apparemment ça n’en vaut pas le coup.
Merci pour cette chronique.
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Dans la première partie, nous sommes quelque part entre Germinal et Crime et châtiment. Pour la suite, je ne souhaite pas trop en dire car il y une curiosité à découvrir la Cité de Dieu. Je dirai qu’on peut toutefois le rapprocher de La Cité et les Astres d’Arthur C. Clarke. Mais le soufflé retombe rapidement.
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Quelle cruauté de nous attendrir avec cette belle histoire de création pour ensuite nous avouer que cela n’est nullement à la hauteur. Vil Harkonnen !
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C’était pour mieux vous faire partager mon désarroi. Manisfestement, ça marche ! 😉
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Je vais sagement le laisser aux amateurs dont je ne fais pas partie. 😉
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