Les 10 livres incontournables de la science-fiction du XXIe siècle

Logo réalisé par Anne-Laure Tensi

C’est la question qui brûle les esprits en ce début du mois de juillet 2020. La question qui court sur toutes les lèvres mais qu’on chuchote entre soi dans les allées obscures de peur d’invoquer de sombres créatures venues d’autres réalités. La question qui à la fin de ce siècle agitera encore l’Université à couteaux tirés. Mais puisque nous ne serons plus là pour y répondre – on va tous mourir – prenons un peu d’avance, faisons le bilan, à l’invitation du blog Nevertwhere, et décidons dès aujourd’hui quels sont les 10 livres incontournables de la science-fiction du XXIe siècle.

C’est à l’heure du recensement qu’il faut tout particulièrement veiller à ce que les équilibres soient précis. Et cela, chaque chroniqueur le sait bien. Ainsi, pour entreprendre cette étude des livres incontournables, il convient de la placer tout d’abord en son temps. Il ne s’agit pas de parler d’un chef d’œuvre publié en 1965. Seuls sont autorisés à apparaître les textes de ce siècle, et il ne faudra pas se laisser abuser : la date de publication de la VO fait foi. Et vous savez quoi ? Le bon d’aujourd’hui est bien souvent meilleur, à quelques exceptions près, que le bon d’hier.

Bien sûr, mes incontournables ne sauraient être vos incontournables car, Ô surprise, il n’y a pas d’incontournable. Il n’y a que des livres qu’on a plaisir à lire. Il est même possible de traverser l’existence sans lire de science-fiction. Une existence certes morne et triste, mais certains le font. Afin d’échapper à ce funeste destin, je vous propose la liste de mes « incontournables », pour que vous viviez votre meilleure vie. Ne me remerciez pas.

Spoiler : j’ai triché !


La Tour de Babylone et Expiration – Ted Chiang

Dans l’art de la nouvelle, Ted Chiang est au-dessus de la mêlée. L’ensemble de sa production littéraire – dix-sept nouvelles pour lesquelles l’auteur américain a obtenu 15 prix majeurs (Hugo, Nebula, Locus,…) – est regroupé en deux recueils, La Tour de Babylone (2006) et Expiration (2020), publiés chez Lunes d’Encre. Ted Chiang est l’un des plus grands nouvellistes de ce siècle et son œuvre, penchant fortement vers la hard-SF, a naturellement toute sa place dans ce panthéon.

La Tour de Babylone, Denoël, coll. « Lunes d’encre », 

La traduction d’Exhalation sortira en septembre 2020 chez Denoël, coll. « Lunes d’encre ».


Le Goût de l’immortalité et Outrage et rébellion – Catherine Dufour

Catherine Dufour écrit des livres. Je tiens Le Goût de l’immortalité et Outrage et rébellion pour le diptyque cyberpunk no-future qui vous fera passer le goût de l’avenir. Bien que distincts et séparés, les deux ouvrages se suivent et décrivent un monde, l’un le préparant, l’autre l’achevant, où il ne fait pas bon vivre. Cette sombre vision est menée par l’écriture singulière et lumineuse de Catherine Dufour, sans doute l’une de nos plus belles plumes science-fictives nationales.

Le Goût de l’immortalité, Mnémos, 2005, 256 pp.

Outrage et rébellion, Denoël, coll. « Lunes d’encre », 


Océanique – Greg Egan

S’il vous est arrivé de fréquenter ce site, même sur un malentendu, vous saviez que dans cette liste apparaitrait Greg Egan. Greg Egan est le maître incontesté de la hard-SF au XXIe siècle. Ses écrits sont des sommets du genre, et ses trois recueils Axiomatique, Radieux et Océanique se doivent d’être dans la bibliothèque de tout lecteur qui se dit amateur de science-fiction. Les recueils Axiomatique et Radieux ayant été publiés en anglais avant 2000, je ne peux les inclure dans cette liste. Mais le recueil Océanique n’a pas d’équivalent en VO et a donc ici sa place. (Je vous aurais bien parlé de Diaspora aussi, mais on me l’interdit. Les gens sont méchants.)

Océanique, Le Bélial’, coll. « Quarante-deux », 2009, trad. Quarante-Deux, 464 pp.


Latium – Romain Lucazeau

Roman très ambitieux, mêlant philosophie et space opera sous l’ombre tutélaire de Dan Simmons et Iain M. Banks, Latium (1 et 2) de Romain Lucazeau est assurément l’un des meilleurs livres de science-fiction que j’ai lus ces dernières années. C’est un roman intelligent, ludique et passionnant. Il a remporté le Grand Prix de l’Imaginaire.

Latium IDenoëlcoll. « Lunes d’encre », 2016, 464 pp.

Latium II, Denoël, coll. « Lunes d’encre », 


Jardins de poussière – Ken Liu

Jardins de poussière est le dernier recueil de nouvelles d’un autre nouvelliste majeur de ce siècle, l’immense Ken Liu. Contrairement à son compatriote Ted Chiang, Ken Liu n’officie pas dans le registre de la hard-SF, mais pratique tout de même une science-fiction de haute volée tournée vers l’émotion. Le plus fascinant chez Liu est sa capacité à interroger, en posant toujours les bonnes questions, et en allant toujours plus loin dans la réflexion. Ken Liu a un point de vue que les autres n’ont pas. Jardins de poussière est à mon avis son chef-d’œuvre.

Jardins de poussière, Le Bélial’, coll. « Quarante-deux », 2019, trad. Pierre-Paul Durastanti, 544 pp.


Terra Ignota – Ada Palmer

Le cycle qui marquera son époque et dont on parlera encore longtemps à l’avenir. Dans ce cycle hors norme, dont le premier volet est constitué de Trop semblable à l’éclair et Sept redditions, Ada Palmer repousse les limites établies de la science-fiction. Terra Ignota est une histoire de la civilisation, érudite, transgressive, passionnante de bout en bout. On attend la déferlante de prix. Ada rules!

Trop semblable à l’éclair, Le Bélial’, trad. Michelle Charrier, 2019, 672 pp.

Sept redditions, Le Bélial’, trad. Michelle Charrier, 2020, 544 pp.


[anatèm] – Neal Stephenson

Le roman [anatèm], constitué d’un premier et second volume, mêle astucieusement discussions philosophiques, mathématiques et science-fiction et s’offre le luxe d’être en plus très drôle. C’est un livre exigeant, moins que ceux d’Ada Palmer, mais sa lecture demande tout de même beaucoup d’attention. Parangon de la SF à capuche, [anatèm] est un très grand roman. Il a remporté le prix Locus du meilleur roman de science-fiction.

[anatèm] T1, Albin Michel, coll. « Albin Michel Imaginaire », trad. Jacques Collin, 2018, 656 pp.

[anatèm] T2, Albin Michel, coll. « Albin Michel Imaginaire », trad. Jacques Collin, 2018, 560 pp.


Accelerando – Charles Stross

Charles Stross a signé avec Accelerando le roman le plus barré sur la singularité. Ce livre est totalement fou, se projette incroyablement loin vers un futur à peine imaginable tant il échappe au contrôle de l’humanité. Entre réflexions humanistes, technologiques et économiques, il s’agit d’un de mes livres préférés. Il a remporté le prix Locus du meilleur roman de science-fiction.

Accelerando, Piranha, coll. « Incertain futur », trad. Jean Bonnefoy, 2015, 560 pp.


Children of Time et Children of Ruin – Adrian Tchaikovsky

La série Children of Time d’Adrian Tchaikovsky a été l’une des très bonnes surprises de ces dernières années. L’auteur anglais, prolifique et touche à tout, s’adonne ici à la hard-SF en explorant le thème de la provolution, c’est-à-dire l’évolution artificielle d’espèces animales vers l’intelligence et la conscience. C’est écrit avec beaucoup d’intelligence, en prenant en compte les spécificités de chaque espèce mentionnée, ce qui ne va pas sans réserver quelques surprises. Il a remporté le prix Arthur C. Clarke.

Dans la toile du temps, Denoëlcoll. « Lunes d’encre », trad. Henry-Luc Planchat, 2018, 592 pp.

La traduction de Children of ruin sortira prochainement dans la même collection.


Vision Aveugle et Echopraxie – Peter Watts

L’arbitraire du classement alphabétique me fait conclure cette liste sur un de mes chouchous, le cycle Blindopraxia de Peter Watts. Il n’existe aucun équivalent aux deux romans qui le composent, Vision Aveugle et Echopraxie. L’auteur canadien a créé pour notre plus grande stupéfaction un nouveau genre : la dark hard-SF. Tout ce qui sort du cerveau de Peter Watts est une vision cauchemardesque de l’avenir, un monde où les technologies sont devenues folles et où l’humanité a perdu toute raison. C’est totalement culte.

Vision aveugle, Fleuve, coll. « Rendez-vous ailleurs », trad. Gilles Goullet, 2009, 348 pp.

Echopraxie, Fleuve, coll. « Rendez-vous ailleurs », trad. Gilles Goullet, 2009, 400 pp.


51 réflexions sur “Les 10 livres incontournables de la science-fiction du XXIe siècle

  1. Super liste !
    On en a un en commun (guess who…), toi aussi t’as mis deux Dufour (pas les mêmes, comme ça on couvre sa production) et t’en cites plusieurs qui sont dans ma PàL (La tour de babylone, Vision aveugle, Latium).
    Sinon, vil tricheur (dit-elle) pas lu Océanique de mon côté mais adoré Axyomatique. 🥰🥰🥰
    Un jour faudra que j’me prenne Anatèm. Un jour.

    Aimé par 1 personne

  2. Tu t’es bien vengé en me mettant des cycles qui sont pas vraiment des cycles, comment je vais gérer ça moi xD. Bref excellente sélection, y’a des auteurs auxquels j’accroche pas donc je me garderais bien de donner un avis à leur sujet, mais les autres je valide complètement.
    (et très bien d’avoir sorti Ted Chiang, hâte de lire son prochain recueil d’ailleurs ^^)

    Aimé par 1 personne

  3. Children of Time et Latium étaient sur ma shortlist ! Mais mon affinité historique pour la fantasy a pris le dessus 🙂
    Cela va faire plusieurs fois que je vois [anatèm] cité, et l’appellation de « SF à capuche » me séduit beaucoup, je me laisserais tenter 😀

    Aimé par 1 personne

  4. « Spoiler : j’ai triché ! » -> oui.

    J’avais passé mon tour sur Accelerando à l’époque. Dans une sens je me dis que j’ai eu raison, dans l’autre, tu le vends tout de même vachement bien XD

    Aimé par 1 personne

  5. Sympa et intéressant cet article !… Enfin de nouvelles idées de SF ! Merci….!
    Allez, j’aurais ajouté la trilogie de Liu Cixin « le problème à 3 corps », les bouquins de hard SF qui m’ont fait aimer à nouveau la SF depuis 20 ans.
    Bonne continuation…

    Aimé par 1 personne

  6. Bouarf, c’est léger comme triche, c’est fin, je n’ai presque pas envie de te lancer des tomates. Mais tu mérites quand même une petite question impossible (peut-être) : s’il ne faut en garder qu’un, Ken Liu ou Ted Chiang ?(i.e. c’est qui finalement le plus grand nouvelliste de l’univers ?)

    Aimé par 1 personne

    1. … Je ne trouve pas de réponse à votre question. Veuillez reformuler la question… Je ne trouve pas de réponse à votre question. Veuillez reformuler la question…. Je ne trouve pas de réponse à votre question. Veuillez reformuler la question… Je ne trouve pas de réponse à votre question. Veuillez reformuler la question…

      J’aime

    2. Pas lu Ken Liu. Ted Chiang est très chouette : en particulier, la nouvelle la tour de Babylone, et l’histoire de ta vie (pour moi l’une des plus originales et émouvantes qu’il m’ait été donné de lire ces dernières années…)
      Maintenant, si l’on cherche les plus « grands novellistes de l’univers », je pense que l’on peut citer dans le peloton de tête J-L Borges. Je mets du reste ma main à couper que Ted Chiang l’a lu… Sur la tour de Babylone l’influence du grand érudit argentin me parait évidente.

      Aimé par 1 personne

  7. Tres belle liste! Les meilleurs y sont quasiment tous: Neal Stephenson, Ted Chiang Greg Egan.
    Juste deux petites remarques tres personnelles: je mettrais la saga des Princes Marchants de Stross a la place d’Accelerendo, pas ce qu’il a fait de mieux a mon sens (Forme>Fond).
    Children of Time est tres tres bon, digne des romans de l' »age d’or » de la SF, mais la suite a deja beaucoup moins de souffle.
    S’il y avail un auteur a rajouter c est Liu Cixin, son cycle Santi est a mon sens bien superieur a ce qu’a fait Peter Watts.
    Voila, c’est juste « my two cents » et je ne pretends pas avoir raison!

    Aimé par 1 personne

    1. Non, non, c’est une suggestion tout à fait justifiée. Il est vrai que du point de vue de la forme, les Princes Marchands est un cycle nettement plus abouti qu’Accelerando. Mais pour moi, ce n’est pas le même rêve.
      Mais pas d’accord pour Peter Watts ! 😉

      J’aime

  8. Belle liste. Ada Palmer… Ma révélation, j’attends de voir le tome 3 et 4 mais je suis prêt à ériger un autel à sa gloire xD. Par contre je suis étonné de voir que beaucoup la trouve plus difficile à lire qu’ Anatem , qui a été une vraie purge (surtout le premier volume). Comme quoi les gouts et les couleurs ^^.

    Diaspora m’a été également très difficile (beaucoup plus que les romans précédents) mais clairement à cause de mon manque relatif de bagage scientifique.

    Pas lu les Dufour par contre, je vais donc me laisser tenter^^

    Par contre Echopraxie … J’ai bien aimé le lire mais je n’ai strictement rien compris (et je ne suis pas sur que l’auteur ai compris non plus ce qu’il avait écrit ^^)

    Comme quoi les gouts et les couleurs ^^.

    Aimé par 1 personne

      1. Oui je l’ai lu juste avant . Vision aveugle est absolument génial et beaucoup plus clair dans son propos.

        Quand je dis que je n’ai rien compris à Echopraxie j’ai un peu forci le trait mais j’avoue de pas vraiment voir où l’auteur voulait en venir. L’intrigue m’a paru extrêmement confuse.

        Mais ceci dit j’ai quand même pris plaisir à lire. Des vampires et des zombies en hard SF on voit pas ça tout les jours ^^. De plus, et je trouve que c’est la grande force de Peter Watts par rapport à d’autre auteurs de hard SF, il ne néglige pas ses personnages.

        J’aime

  9. Moi qui cherche des nouveaux livres de SF à lire mais comment en trouver ?
    Comment ne pas tomber sur un nanar qui te laissera le sentiment d’avoir perdu plusieurs heures de détente … Le nanar dans lequel tu sautes plusieurs chapitres et tu as l’impression de n’avoir rien loupé, que ça n’avance pas, qu’on est au même point. Il y a des auteurs qui sont spécialistes de la rallonge ! Tout ça pour faire 2 livres au lieu d’un et empocher plus d’argent.
    J’ai déjà été déçu et dans le cadre de la littérature c’est un sentiment très désagréable
    Alors, comment se fier à la critique ?
    Je n’ai entendu que du bon de ce blog
    Je vais essayer ces bouquins
    Merci

    Aimé par 1 personne

    1. Pour le coup, j’aurais plutôt mis La Horde du Contrevent qui a été pour moi une bonne claque. C’est d’ailleurs le livre que j’offre le plus souvent. J’ai hésité à le mettre dans cette liste, mais je me suis dit qu’il n’avait pas besoin de plus d’exposition qu’il n’en a déjà eu.

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.