L’interdépendance, Tome 1 : L’Effondrement de l’Empire – John Scalzi

effondrement

Le moins qu’on puisse dire est que la série de l’Interdépendance de l’auteur californien John Scalzi a connu un lancement radieux puisque le roman qui en constitue le premier tome, The Collapsing Empire (2017) a décroché le prix Locus du meilleur roman de science-fiction en 2018. Il a été suivi de la publication de The Consuming Fire (2018) et on attend en avril 2020 celle du troisième tome The Last Emperox. Ce sont les éditions de l’Atalante qui en France ont publié en mars 2019 le premier tome sous le titre L’Effondrement de l’empire selon une traduction de Mikael Cabon. Le second tome paraîtra en février 2020 sous le titre Les Flammes de l’empire. Au moins dans son premier tome, la série se présente comme un space opera fun et sans pliage de neurones, soit un bouquin parfait, comme on aime, pour se remettre des attaques de la Saint Sylvestre sur nos fonctions synaptiques.

« Bon, un peu de contexte »

L’Interdépendance est le nom commun du Saint-Empire des Etats indépendants et des guildes marchandes. Nous sommes dans un avenir lointain et, malgré l’interdiction du voyage supraluminique pour cause de loi physique non negociable, l’humanité s’est propagée dans la galaxie grâce à la découverte du Flux. Le Flux est un phénomène naturel, un courant dans l’espace-temps qui permet de voyager en quelques semaines ou quelques mois à des dizaines voire des centaines d’années-lumière. Encore faut-il pouvoir y entrer car, si les courants en question existent, nul ne peut les contrôler. Issues d’une topologie particulière de l’espace et du temps, les bouches d’entrée du Flux connues sont en nombre limité et tous les courants convergent en un endroit de l’espace où s’est installée Centrale, la capitale de l’empire. En soi, l’idée n’a rien de très original et nombreux sont les space operas qui contournent le problème des voyages interstellaires trop longs pour des vies humaines (l’univers, c’est grand) en invoquant des dimensions sous-jacentes à l’espace-temps parcourues de courants. On retrouve par exemple le même procédé dans Légationville de China Miéville ou dans l’Univers de Xuya d’Aliette de Bodard.

Comment le Flux fut-il découvert ? L’Effondrement de l’empire ne le raconte pas mais, le 2 Novembre 2019, John Scalzi a posté sur son blog une courte nouvelle intitulée « The Origin of the Flow » qui raconte justement cette découverte. La nouvelle apparait ainsi comme une préquelle à L’Effondrement de l’empire, mais l’auteur prévient qu’elle ne saurait être considérée comme absolument canonique et il se réserve le droit de changer les choses si le besoin ou l’envie s’en fait sentir. Quoi qu’il en soit, si vous êtes curieux, vous pouvez la lire en suivant ce lien (en anglais).

Comment s’est constitué l’empire ? L’Effondrement de l’empire le raconte, en partie. On se doute qu’on aura encore des choses à découvrir. Le hic, voyez-vous, c’est que le Flux n’est pas complètement stable. La Terre des origines a ainsi été perdue lorsque le courant s’est soudainement tari, il y a de ça un millier d’années. C’est arrivé une deuxième fois, il y a 800 ans, et c’est la colonie de Dalasýsla et ses vingt millions d’habitants qui ont cessé d’exister pour le reste de l’humanité.

Et quoi ? – demanderez-vous. Il y a deux soucis. Le premier est que l’Interdépendance est bien nommée. Sur les quelque 5000 systèmes stellaires explorés, seuls 48 sont habités et  ils présentent pour la plupart des conditions de vie hostiles. Une unique planète permet la vie à l’air libre. Cette planète est le Bout, la plus éloignée du reste de l’Interdépendance et, a priori, la seule qui soit autosuffisante. Car voilà, l’empire a été construit sur des préoccupations purement commerciales et la globalisation de l’économie forcée par les conditions de vie mais aussi par la pression des guildes marchandes détentrices de monopoles commerciaux a abouti à une interdépendance totale des 47 systèmes stellaires et de l’humanité. L’intrication du système politique et économique  avec le système de transport est l’idée la plus intéressante de John Scalzi dans ce cycle. (Là encore, on trouve cette idée chez d’autres, dans Dune de Frank Herbert, dans Hypérion de Dan Simmons ou plus récemment dans le cycle Terra Ignota d’Ada Palmer.) C’est ce qui fait à la fois la force et la faiblesse de l’Interdépendance car, sans communication ni échanges de biens entre les systèmes, les colonies ne sont pas tenables, l’empire s’effondre et l’humanité meurt, lentement mais surement.

Le deuxième souci, c’est que le Flux va disparaître. Ajoutez à cela que le 87ème emperox Batrin « Attavio IV » Wu, descendant de Rachela 1er, fondatrice de l’interdépendance et sauveuse de l’humanité, s’en vient à mourir. Sa fille Cardenia, alors qu’elle n’était pas préparée à la fonction, monte sur le trône et se retrouve face aux familles nobles à la tête des guildes marchandes  et aux conflits politiques qui agitent ce monde. Tout est réuni pour que les intrigues politiques les plus tordues se mettent en place, avant la fin du monde.

L’effondrement de l’empire

Voilà donc la situation au début du roman. L’empire est un sac de noeuds où chaque famille conspire pour assurer ou étendre son emprise. La comparaison avec le Cycle Dune de Frank Herbert s’impose au lecteur, possiblement aussi avec le cycle Luna de Ian McDonald, car derrière les conflits se dresse le spectre du contrôle des accès au Flux et donc à l’univers connu avec la puissance économique que cela implique.  L’Effondrement de l’empire met ainsi en scène différentes familles en lutte ouverte pour le pouvoir : la dynastie des Wu qui contrôle le pouvoir politique, celles des Lagos et des Nohamapetan, économiquement puissants.  Un troisième pouvoir, le pouvoir religieux, n’est qu’évoqué dans ce premier tome mais il semble promis à occuper le devant de la scène par la suite.

Le roman suit les faits et gestes de trois personnages principaux : l’inexpérimentée Cardenia Wu là la tête de l’empire, la très fraîche Kiva Lagos confrontée aux manigances de la famille Nohamapetan, et le jeune Marce Claremont dont le père exilé sur Bout est le physicien qui a découvert que le Flux est sur le point de disparaître. Les vies de ces trois-là vont se croiser pour le meilleur ou pour le pire.

En conclusion

L’Effondrement de l’empire est une lecture plaisante. Le roman dépasse à peine les 300 pages et se lit en un clin d’œil. Le propos est grave, mais John Scalzi étant John Scalzi, il aborde les choses avec cette légèreté qui lui est propre, et un humour présent mais jamais pesant. Le rythme est dynamique, le scénario enlevé, les dialogues aussi nombreux qu’expéditifs et sans manière. On pourra regretter un worldbuilding a minima qui se contente de dessiner les contours politiques et économiques de l’empire. On n’y trouvera pas de plongée dans les détails du monde à travers de multiples personnages comme dans la Saga du Commonwealth de Peter F. Hamilton, par exemple. De ce point de vue, ce premier tome du cycle de L’Interdépendance manque d’ambition si on cherche à le comparer à d’illustres sagas de science-fiction. Le scénario repose sur de nombreuses facilités et des personnages au comportement parfois incohérent. Il faudra faire avec, L’Effondrement de l’empire est avant tout un space opera qui apporte un plaisir immédiat. J’attends la suite.

Mise à jour : la suite est encore mieux !


D’autres avis : GromovarAnudarDe livres en livresBlog-O-Livre , Outrelivres, sur la VO, et sur la VF  L’Albedo ,  Les lectures du makiOmbre BonesLorhkanAu pays des Cave Trolls,


Titre : L’Effondrement de l’empire
Cycle : L’Interdépendance (1/3)
Auteur : John Scalzi
Traducteur : Mikael Cabon
Editeur : L’Atalante, coll. Les dentelles du cygne
Publication : 21 mars 2019
Nombre de pages : 336
Support : papier et ebook


20 réflexions sur “L’interdépendance, Tome 1 : L’Effondrement de l’Empire – John Scalzi

  1. Merci pour le lien !
    Comme toi j’attends la suite avec une grande impatience. Peut-être que le worldbuilding sera davantage développé dans la suite, puisqu’il s’agit d’une trilogie? Je n’ai pas ressenti de gêne là-dessus mais il faut dire que je suis encore une débutante dans le genre SF. En tout cas, Scalzi reste fidèle à lui-même et finalement c’est ce qu’on recherche quand on le lit (moi en tout cas ^^) !

    Aimé par 1 personne

  2. Au début du tome un j’avais quelques doutes « non , pas encore un SO comme il y en a tant, toujours construit de l même façon ». Mais comme j’apprécie beaucoup Scalzi j’ai persisté et j’ai rapidement été pris dans ce premier tome. Je l’ai finalement dévoré Certains personnages sont un peu manichéens et certains rebondissements télégraphiés, mais il y a plein d’idées intéressante et le plaisir d’une écriture légère et humoristique bien présente. vivement le mois de février.
    .

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.