Upon this rock: Book 1 – First contact – David Marusek

rock

David Marusek est un écrivain américain de science-fiction discret. Sa production est limitée et, à ce jour, un seul de ses romans a été traduit en français : Un paradis d’enfer (Counting heads, 2005) chez Presses de la cité en 2008. La suite, Mind over ship (2009), est encore inédite chez nous. On trouvera aussi dans les traductions  trois nouvelles : L’enfance attribuée (1999) et Apprendre à te connaitre (2000) chez Le Bélial’, Oussama téléphone maison (2011) chez Les Moutons électriques.  Notons enfin qu’il est récipiendaire du prix Sturgeon pour sa nouvelle The Wedding album (1999). Après huit ans de silence, David Marusek est revenu, tout aussi discrètement,  dans l’univers de la SF avec le roman Upon this rock (2017) en faisant le choix de l’auto-publication.  Si l’on veut être précis, il faut parler de Upon this rock : Book 1 – First Contact, car le roman est  le premier tome d’une trilogie pentalogie. Le second tome, Upon this rock : Book 2 – Glassing the Orgachine est sorti hier, le 7 février 2019 et sera chroniqué prochainement sur ce blog.  First Contact, comme son nom l’indique, fait le récit d’un premier contact entre l’humanité et une conscience extra-terrestre, ce qui en soi constitue sans doute le thème le plus visité de l’histoire de la SF.  Mais ne vous y trompez pas, First Contact est un roman extraordinaire au premier sens du terme.

Le roman s’ouvre sur un storyboard en douze vignettes d’une ou trois phrases décrivant l’approche d’un objet qui traverse l’espace profond en direction de la planète Terre pour finir sa course dans un paysage de montagnes, de forêts, et de glace. L’auteur prévient, le dit, et le redira pour qu’on ne l’oublie pas malgré tout ce qu’il va raconter par la suite : c’est bien de l’histoire d’un premier contact avec un ou des extra-terrestres dont il s’agit. Pourquoi insister ainsi ? Parce que les événements qu’il va ensuite décrire vont être vus par deux personnes qui n’en ont pas la même perception. Ou qui n’ont pas la même perception que le lecteur, vous en l’occurrence. C’est le concept central du livre. Embrassez chaudement vos chers et tendres et dites au revoir au confort intellectuel de vos existences. Bienvenus à McHardy, Alaska, décembre 2012.

La petite maison dans la forêt

Jace Kuliak est ranger dans la petite ville de McHardy (nommée ainsi dans le roman, mais qui correspond à McCardy dans le monde réel)  au beau milieu du parc national de Wrangell – Saint-Elie, situé entre la ville de Chitina à l’Ouest et la frontière canadienne à l’Est. Pour vous donner une idée, ce parc a une superficie supérieure à celle de la Suisse. Jace est du genre détendu.  Arrivé il y a quelques années en Alaska, il est tombé amoureux des paysages sauvages et du calme d’une vie éloignée des soucis de l’Amérique moderne.  Célibataire, mais connaissant quelques aventures avec de jolies touristes de passage, il apprécie ses longues balades dans le parc qu’il aime à conclure en se fumant un joint tranquillement assis sur le siège de sa moto-neige. Enfin, ça c’est quand la famille Prophecy ne passe pas au bulldozer une partie du parc dont il a la surveillance.

« He said this with the cool self-assurance of a born-again psychopath. »

Poppy Prophecy est un homme croyant en Dieu et qui jamais ne doute de son interprétation très personnelle de la Bible. Il croit aussi que le jugement dernier est proche. C’est pourquoi, il a mené sa famille de 17 enfants à travers les Etats-Unis puis l’Alaska pour s’établir finalement à McHardy. Poppy Prophecy est un tyran qui régit avec brutalité chaque aspect de la vie de sa famille, interdisant à ses enfants tout contact avec le monde moderne (alors que lui-même possède un Samsung dernier cri et fait des affaires sur internet), qui n’a que faire des lois américaines et pense qu’Obama est l’antéchrist. Sa femme est catatonique (« mama is on vacation with Jesus »), ce qui ne l’empêche pas d’abuser d’elle. Pour dresser le portrait de cet homme violent, ultra-fondamentaliste et disons-le complètement psychopathe, David Marusek s’est inspiré de la vie réelle de Robert Hale qui s’était installé à McCardy au début des années 2000 avec sa famille, surnommée la famille « Pilgrim ». Il fut arrêté par les autorités en 2005 pour les abus mentaux et physiques qu’il avait fait subir à sa famille, notamment les viols sur sa femme et une de ses filles. Des années après sa mort, les enfants Hale continuent de révéler l’ampleur des mauvais traitements qu’ils ont subis sous la main de cet homme.

Du worldbuilding de première classe

Le worldbuilding est exceptionnel. Bien que le récit se déroule en Amérique du Nord en 2012, il faut bien parler ici de worldbuilding. Non seulement David Marusek nous propose une promenade en Alaska, état qu’il connait bien puisqu’il y réside, mais surtout il nous convie à une descente en enfer au sein de la famille Prophecy. La majeure partie de ce premier tome est consacrée  à la mise en place de cet univers qui nous est totalement étranger, pour ne pas dire « alien ». A côté du texte principal, Marusek propose des sidesbars, des renvois vers de courts récits disponibles en fin de livre et qui expliquent plus en détail certains points de l’histoire de l’Alaska, du passé des personnages,  voire des habitudes masturbatoires de certains d’entre eux. Je conseille vivement de les lire, car ils participent pleinement à la construction de l’univers, quand bien même Marusek prévient qu’ils ne sont pas essentiels au récit. Du côté des personnages, la construction est tout aussi puissante et efficace. Les enfants sont certes très nombreux, mais on a tout le loisir de faire connaissance et de s’attacher à certains d’entre eux. On pourra seulement regretter que Jace Kuliak  et Poppy Prophecy ne bénéficient pas du même temps d’exposition. Si certains chapitres du livre sont consacrés à Jace, la plupart l’est à la famille Prophecy. Le premier contact, lui, se produit à la moitié du livre.

E.T. envahit maison

Seuls témoins de la chute du ciel d’un objet très lumineux au milieu du parc, Jace et Poppy vont en avoir une interprétation très différente. Si, pour Jace, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un phénomène extra-terrestre, Poppy l’interprétera comme un signe que lui envoie Dieu. Ce qu’il va vivre par la suite ne fera que confirmer son interprétation, derrière le filtre de ses illusions. C’est la raison pour laquelle David Marusek rappelle au lecteur depuis l’ouverture du roman qu’il s’agit bien d’un premier contact, car toute l’histoire vécue par la famille Prophecy pourrait faire croire à un tout autre roman, et c’est bien là le coup de génie de l’auteur.  Le premier contact ne va faire qu’amplifier la folie dans laquelle cette famille vit. Je n’en dirai pas plus.

C’est avec ce roman, de Upon this rock : Book 1 – First Contact, premier tome d’une trilogie, que je découvre pour ma part la plume de David Marusek. Et j’en suis admiratif. First Contact est un roman incroyablement immersif, jusqu’à la nausée. C’est aussi un roman d’une intelligence remarquable qui porte un regard chirurgical sur une Amérique à la marge, une Amérique qui déjà n’appartient plus au monde terrestre. Du point de vue science-fictif, il est difficile, et trop tôt encore, de le classer. Je le vois pour le moment comme une rencontre vertigineuse entre Kirinyaga de Mike Resnik (mais en Alaska) et the Thing de Carpenter. Vous imaginez un peu le roman de malade que ça peut donner. On pourra lui reprocher une mise en place longue, mais qui à mon avis est nécessaire pour pleinement apprécier son propos. Et lorsque ça mord, ça ne vous lâche plus. La fin de ce premier tome laisse à penser que Jace trouvera une place de premier plan dans la suite, et nous laisse sur un cliffhanger aux dimensions astronomiques.

 Conclusion lapidaire

Upon this rock : Book 1 – First Contact est un coup de génie ! J’espère que la suite confirmera ce premier contact. (La critique du tome 2 est )

Possibilité de traduction ? Hmmmm… c’est possible.


Titre : Upon this rock : Book 1 – First Contact
Série : Upon this rock (1/5)
Auteur : David Marusek
Publication : 29 Juin 2017
Langue : anglais
Nombre de pages : 362
Support : papier et ebook


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