Revenant Gun (Machineries of Empire T3) – Yoon Ha Lee

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Troisième et dernier volet de la trilogie Machineries of Empire de l’auteur américain Yoon Ha Lee, Revenant Gun a été publié en Juin 2018 chez Solaris, après Ninefox Gambit en 2016 et Raven Stratagem en 2017. L’ensemble de la trilogie est en cours de traduction et publication dans la collection Lunes d’Encre chez Denoël. Le premier tome a été publié en novembre 2018 sous le titre Le Gambit du Renard. Avant de lire ce roman, il faudra bien évidemment avoir lu les deux premiers volumes. Par contre, vous pouvez vous lancer dans la lecture des premiers sans vous dire qu’il vous faudra aller au bout de la trilogie. Chaque tome possède une fin qui conclut de manière satisfaisante l’arc narratif et n’appelle pas à la lecture du tome suivant.

Le charme de cette trilogie repose sur la conception d’un univers original, d’inspiration asiatique et mathématique. Les aspects aussi bien esthétiques que politiques, militaires et scientifiques y sont bien développés et la trilogie propose un ensemble d’une grande cohérence. Yoon Ha Lee donne à lire un bon cycle de science-fiction, s’inscrivant dans le genre du space opera, qui s’adresse à un lectorat qui possède déjà une certaine culture en science-fiction. Le lecteur novice se devrait d’avoir à avaler des morceaux difficiles à digérer pour un estomac peu préparé. Il faut en outre apprécier la science-fiction militaire car cet aspect-là est central à la trilogie. Yoon Ha Lee fait le récit de conflits armés, de grandes manœuvres et de batailles, de navires de guerre et de technologies de destruction. Ses héros sont des soldats. Malgré un petit côté hard-SF à l’allumage, la trilogie s’éloigne du genre par des aspects quasi-fantastiques. Les effets exotiques des technologies utilisées flirtent en apparence avec la magie.

Derrière l’originalité de cet univers, se cachent inévitablement des inspirations et des ressemblances, parfois fortes, avec d’autres œuvres de science-fiction. Du côté des ressemblances, on peut rapprocher l’esthétique, et certains éléments comme les vaisseaux spatiaux vivants et le cadre politique général, de l’univers de Xuya de l’autrice française Aliette de Bodard. Les inspirations sont nombreuses et vont du roman Dune de Frank Herbert à… la saga Star Wars. N’ayez aucune crainte à la lecture de ce billet, j’y évite soigneusement, je pense, les spoilers.

L’univers de l’Hexarcat

L’hexacart est un empire comprenant un vaste territoire interplanétaire. Il est dirigé par un conseil de six hexarques  issus des six castes qui constituent la société. Le Gambit du Renard nous plongeait assez brutalement dans l’univers de l’Hexacart, ses technologies exotiques, son vocabulaire, et les méandres mathématiques de son fonctionnement basé sur l’application stricte d’un calendrier. Le Haut Calendrier est au cœur de l’unité de l’Hexarcat. Imposé de façon brutale aux populations, il règle aussi bien le décompte du temps, cent minutes par heure et trente heures par jours, que les rituels obligatoires, dont certains sont des séances de tortures publiques infligées à qui est déclaré « hérétique ». Il constitue aussi une métrique qui permet l’application des axiomes mathématiques et le fonctionnement de nombreuses technologies, dont les moteurs qui permettent aux vaisseaux de se déplacer plus rapidement que la lumière à travers l’espace et les armes qui assurent leur suprématie. Le roman lui-même décrivait une bataille menée par une jeune capitaine Kel Cheris contre un soulèvement hérétique dans une des stations qui assurent l’émission du Haut Calendrier à travers le territoire de l’Hexarcat. Dans un pari insensé, le commandement Kel, la branche armée de l’Hexarcat, avait implanté dans l’esprit de Cheris, celui du général Jedao. Ce dernier a été artificiellement maintenu en vie durant près de 400 ans, après avoir été jugé pour crime. Autrefois stratège légendaire de l’armée Kel, il a provoqué la mort de plus d’un million de personnes lors de la bataille de Hellspin, en massacrant aussi bien ses ennemis que sa propre armée.

Raven Stratagem, le second volume, changeait de perspective et élargissait le propos en s’intéressant à la structure politique de l’Hexarcat, ses dirigeants déviants, leur complots, la corruption viscérale de ses représentants et les fêlures innombrables du système. Le roman introduisait de nouveaux personnages, sans pour autant perdre totalement de vue le couple Cheris/Jedao. Nettement plus facile d’accès, ce second tome simplifiait l’approche mais complexifiait l’univers, le rendant par là même plus intéressant encore. L’intrigue se concluait sur un éclatement calendaire de l’Empire.

Revenant Gun

L’action de Revenant Gun se déroule neuf années après Raven Stratagem. Cheris/Jedao a disparu. L’Hexarcat n’est plus, et l’Empire est divisé en deux territoires. L’un, le Compact, a adopté l’hérésie calendaire et tente la démocratie.  Il est dirigé par le général  Kel Brezan, aidé dans l’ombre par l’ex-hexarque Shuos Mikhodez dont nous avions fait la connaissance dans le tome précédent. L’autre territoire, le Protectorat, est resté fidèle au Haut Calendrier.  Il est dirigé par le général Kel Inesser qui a emporté avec elle la très grande majorité des forces Kel. Occupés à se disputer des territoires frontaliers, le Compact et le Protectorat ne cessent les hostilités que lorsque les ennemis extérieurs, les éternels hérétiques Hafn, viennent les menacer. Mais une menace fantôme (hein ?) va forcer Kel Brezan et Kel Inesser à unir leurs forces.

Le Nirai Kujen est le véritable maître de l’univers. Personnage discret, mathématicien et ingénieur de génie, il est l’homme qui a fondé l’Hexarcat, le Haut Calendrier, la technologie des vaisseaux spatiaux, ainsi que toutes les armes exotiques, et le moyen de vivre plus de 900 ans. Il a une raison très personnelle de vouloir réinstaurer le haut Calendrier. Ne compte que sa propre survie, et pour cela il utilise tous les moyens de perversion possible, quitte à fonder un empire pour le servir.  Il va se donner les moyens de soumettre le Protectorat et le Compact en levant une armée dirigée par une réincarnation de Jedao.

Quoi de plus craignos pour l’univers que d’avoir un Jedao qui court en liberté ? En avoir deux ! Ce fantôme de Jedao, ce clone, possède une partie des souvenirs du général et sa personnalité. (On retrouve là l’idée des gholas de Dune, ces clones créés dans les cuves axolotl du Bene Tleilax.)

Le seigneur Sith Nirai Kujen va utiliser Darth Vader le général Jedao pour attaquer les forces Kel libres et unifiées. Il a en outre développé une arme exotique des plus terrifiantes : l’étoile noire un canon gravitationnel à même de détruire des flottes spatiales, voire des planètes. Après une première bataille gagnée contre la flotte Kel, il va jeter son armée contre la base rebelle planète capitale du Protectorat. En parallèle, nous suivons Cheris qui a disparu 9 années plus tôt pour mener seule une mission secrète. A bord d’un X-wing vaisseau furtif de petite taille, accompagnée de R2D2 1491625, notre chevalier Jedi capitaine Kel s’est lancée à la poursuite du seigneur Sith Nirai Kujen, aidée en cela par Obi-wan Kenobi le général Jedao dont une partie de la personnalité l’accompagne toujours. De son côté Darth Vader Jedao connait quelques états d’âme. Car est-il lui même vraiment le psychopathe décrit par la légende ou une victime du seigneur Sith Nirai Kujen ? Vous voyez ?

En conclusion

Ce troisième tome est plus orienté SF militaire que les deux précédents, que ce soit sous l’aspect de grandes batailles spatiales ou d’opérations discrètes d’espionnage et d’assassinat. Il est aussi plus explicatif. Yoon Ha Lee y raconte l’histoire de l’Hexacart et de ses dessous les plus sombres. Ici tout se met définitivement en place. Les détails distillés dans les deux tomes précédents, les fils narratifs,  les points laissés jusqu’ici obscurs, se rejoignent pour se lier et former un tout d’une grande cohérence. On y apprend aussi beaucoup sur la nature des vaisseaux spatiaux, les fameuses moth (phalènes dans la traduction française).  Nous ne sommes pas dans de la littérature jeunesse, le roman s’adresse à un lectorat adulte et consentant. Certaines scènes sont explicites, notamment lorsque les pulsions sexuelles (jusqu’à des pratiques sado-masochistes) sont utilisées comme moyen de manipulation et de coercition. L’Hexarcat, ce n’est pas le pays des ewoks. Sauf que…

Vous aurez anticipé à la lecture du résumé fait ci-dessus la critique qui vient : Yoon Ha Lee nous sert un scénario générique dans lequel il suffit de remplacer quelques noms, repeindre les vaisseaux,  pour se retrouver tout à coup dans une toute autre saga. Il y a même des sabres qui font de la lumière. Cet aspect a gêné ma lecture du début à la fin du roman. Si l’auteur a su développer un univers original à travers la trilogie, il échoue à faire de même pour le scénario de ce dernier tome. Cela reste un roman distrayant mais il est à mon avis d’un niveau inférieur au début de la série. Quand bien même il y a de très bons moments. Prise dans son ensemble, la trilogie reste hautement recommandable, si ce genre de SF vous attire.

Comme je l’ai indiqué dans un article précédent, quelques textes viennent compléter la trilogie et un recueil de 21 nouvelles se rapportant à l’univers de l’Hexarcat sera publié par Solaris en Juin 2019.


D’autres avis de lecteurs : Quoi de neuf sur ma pile, Blog-O-Livre.


Titre : Revenant Gun
Série : The machineries of Empire (3/3)
Auteur : Yoon Ha Lee
Publication : Juin 2018 chez Solaris
Langue : anglais
Traduction : bientôt dans la collection Lunes d’Encre chez Denoël
Nombre de pages : 400
Format : paper et ebook


7 réflexions sur “Revenant Gun (Machineries of Empire T3) – Yoon Ha Lee

  1. Monter un univers aussi complexe et faire du Star Wars, comment dire… Au passage, à ma connaissance, Denoël n’a acheté que les deux premiers tomes, pour le moment. Merci pour tes critiques des 3 romans et des nouvelles associées, on y voit beaucoup plus clair en matière d’intérêt de lire ceci ou cela maintenant !

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    1. A mon avis, les deux premiers volumes suffisent à en faire un cycle très intéressant. D’ailleurs, on parle de trilogie, mais la fin du troisième tome laisse supposer qu’il pourrait y avoir une suite. Si c’est le cas, je la lirai, en espérant que Yoon Ha Lee reprenne du nerf.

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  2. « Hexacart » 🙂 Jolie dyslexie…

    Pour avoir lu les deux premiers tomes en partie en anglais et en partie en français, je pense que la traduction « hexarcat » (notez la position du r) pour « hexarchat » me semble plus pertinente qu’« hexacart » car s’appuyant sur hexa (6) et le suffixe « arcat » (comme dans patriarcat). La gouvernance précédente, dans le livre étant l’« heptarcat » où il y avait 7 dirigeants…

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