Raven stratagem (Machineries of Empire T2) – Yoon Ha Lee

raven

Raven stratagem est le second tome de la trilogie The Machineries of Empire de l’auteur américain d’origine coréenne Yoon Ha Lee. Les droits de la trilogie ont été acquis par Pascal Godbillon pour la collection Lunes d’Encre chez Denoël et la traduction du premier tome, Ninefox Gambit, a été publiée en novembre 2018 sous le titre Le Gambit du Renard.  Malgré un début de lecture difficile, en raison de la complexité de l’univers et le langage volontairement abscons de l’auteur, c’est un roman que j’ai beaucoup apprécié au point de le faire figurer dans mes lectures favorites de l’année. Ne restait donc plus qu’à attendre la sortie des deux tomes suivants, Raven stratagem et Revenant gun. Seulement, voilà, je n’ai aucune patience, et ayant émis de perfides réserves sur la traduction dans ma chronique du Gambit, j’ai lu ce second tome,  en VO. Et le troisième va suivre sous peu.

Retour sur un univers complexe…

Le Gambit du Renard nous plongeait dans l’univers de l’Hexacart, une société humaine occupant un vaste territoire interstellaire sous la coupe d’un régime autoritaire tenu par les hexarques, représentants six branches fonctionnelles de la société : les Rahal contrôlent le Calendrier et les lois, les Andan sont financiers et diplomates, les Shuos sont espions et assassins, les Kel qui sont la branche militaire, les Vidonia en charge de l’éducation et des tortures cérémonielles, et les Nirai qui sont les scientifiques et mathématiciens de l’Hexacart (si vous voulez en savoir plus, Yoo Ha Lee a créé une cheat sheet sur les différentes factions). La cohésion de l’Empire est assurée par le Haut Calendrier, à la fois système mathématique et système de lois imposées sur les populations. Pour plus de détails, j’avais expliqué dans la chronique du premier tome l’importance du Calendrier en tant que métrique en lien avec le fonctionnement des technologies au sein de l’Hexacart. Le Gambit du Renard était le récit d’une bataille menée contre une rébellion par un improbable couple formé d’une jeune capitaine Kel, Cheris, artificiellement liée à l’esprit d’un général criminel, Shuos Jedao. Le Gambit apparaissait alors comme un roman de science-fiction militaire, possédant une inclination hard-SF car Yoon Ha Lee, mathématicien de formation, s’appliquait à y développer l’aspect mathématique et technologique de son univers. L’Hexacart y semblait un environnement politique et social monolithique et impénétrable.

… qui se complexifie encore un peu plus.

Dans Raven stratagem, Yoon Ha Lee inverse le point de vue et offre un regard de l’intérieur sur la politique de l’Hexacart. Le monolithe se fissure, révèle des failles, voire des abysses. Si la répartition en castes de la société de l’Hexacart m’évoquait déjà le roman Dune de Frank Herbert, ce sentiment de filiation est encore plus fort dans Raven stratagem. Yoon Ha Lee décrit un monstre politique incestueux et obscène, une hydre à six têtes dont chacune cherche à dévorer l’autre, qui s’ébat dans des intrigues politiques que les Harkonnen ne renieraient pas. Ces craquelures touchent bien évidemment les peuples et si l’on imaginait précédemment une stricte obédience, certes conditionnée, au Calendrier, Yoon Lee Ha construit son roman autour de personnages qui n’y croient plus, qui craquent et se crashent (crashhawks). De nouvelles têtes font ainsi leur apparition dans ce second tome. Du simple soldat Kel à l’Hexarque Shuos, ces figures prennent le devant de la scène, reléguant les héros du Gambit au second plan, mais pour une très bonne raison. Le scénario de Raven stratagem repose sur un mensonge. Le lecteur, ayant lu le Gambit du Renard le sait. Lecteurs, nous avons été les témoins privilégiés de la scène finale du Gambit. Mais personne au sein de l’Hexacart ne sait exactement ce qu’il est advenu de Kel Cheris et Shuos Jedao. L’intrigue qui se met en place dans Raven stratagem possède ainsi un twist qui n’en n’est pas vraiment un puisque le lecteur est déjà au courant. Et pourtant, cela fonctionne, et on joue le jeu. Il n’y aura pas de surprise au moment de la révélation mais le plaisir d’une confidence et d’un tour bien ficelé. Si dans Dune l’épice doit couler, dans les Machineries de l’Empire, l’horloge doit tiquer. Ce sera le cœur du roman.

En conclusion

Après le Gambit du Renard, Raven stratagem est une très belle réussite qui confirme largement l’intérêt suscité par le premier tome. Le roman est tout d’abord nettement plus facile à aborder que son prédécesseur. Nous sommes maintenant habitués à l’univers, aux technologies étranges et exotiques, aux néologismes et aux factions. Tout ceci coule désormais de manière transparente et l’attention est entièrement tournée vers l’histoire. Yoon Ha Lee peut donc développer et complexifier un univers déjà fort riche et le faire vivre. Même s’il est encore très présent, l’aspect militaire n’est plus au centre du roman, mais laisse la place aux intrigues politiques. De nombreux personnages, particulièrement bien développés, font leur apparition. De nombreux éléments, plus ou moins discrètement disséminés dans le premier tome, trouvent ici leur raison d’être et s’assemblent pour délier le scénario. On pourra éventuellement reprocher à ce scénario de manquer de surprise, mais on assiste à la mise en route d’une mécanique lancée dès le premier tome. Et comme il s’agit d’une belle mécanique, je ne boude pas mon plaisir. Yoon Ha Lee nous offre avec cette trilogie du très beau space opera, politique et militaire, audacieux et complexe, créatif et réjouissant.

Je vais de ce pas voir s’il confirme dans le troisième et dernier tome, Revenant Gun.


D’autres avis de lecteurs : Quoi de neuf sur ma pile, Blog-O-Livre.


Titre : Raven stratagem
Série : The machineries of Empire (2/3)
Auteur : Yoon Ha Lee
Publication : Juin 2017 chez Solaris
Langue : anglais
Traduction : bientôt dans la collection Lunes d’Encre chez Denoël
Nombre de pages : 400
Format : paper et ebook

Sur amazon.fr : Raven Stratagem


12 réflexions sur “Raven stratagem (Machineries of Empire T2) – Yoon Ha Lee

    1. J’aurais tendance à t’encourager à le reprendre mais tout dépend des raisons pour lesquelles tu l’as abandonné. Si c’est parce qu’il est difficile d’y rentrer dedans, alors je te dirais d’insister. Tout devient plus clair par la suite. Sinon, …?

      J’aime

    1. Mon envie, à travers cette critique, est quelque part aussi de soutenir Pascal sur ce livre. Comme je l’explique, je voulais tenter la VO, et je suis tombé sur une promo où les deux titres étaient proposés à 99c en numérique. Ca ne se refuse pas. Si le dernier tome confirme la qualité de l’ensemble, il est fort probable que j’achète les versions physiques du tirage français pour les garder dans ma bibliothèque.

      Aimé par 1 personne

  1. J’ai décidé d’attendre la version VF, dès que j’ai su qu’il était publié en français, j’essaie de privilégier la VF quand cela est possible, et crois moi, cela a été particulièrement difficile cette fois-ci, d’autant plus que j’ai la VO dans la liseuse…

    Aimé par 1 personne

    1. Comme je l’ai expliqué dans ma chronique sur le Gambit du Renard, j’ai eu des soucis avec la traduction dont j’ai trouvé qu’elle n’aidait pas la compréhension du livre. J’ai donc opté pour la VO pour la suite de la trilogie et je ne le regrette aucunement. Comme pour la nouvelle The Battle of Candle Arc, la VO est plus fluide. Ce n’est pas toujours le cas, cela dépend des romans. Celui-ci est tellement particulier dans le langage que la traduction est difficile.

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.