Zero Sum Game – S.L. Huang

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Elle-même mathématicienne formée au MIT, l’autrice S.L. Huang confie une admiration pour les femmes mathématiciennes comme Ada Lovelace ou Katherine Johnson. Elle-même représentante d’une certaine intersectionnalité, pour reprendre le terme de la sociologue américaine Kimberlé Crenshaw, puisque femme queer d’ascendance asiatique, S.L. Huang confie sa frustration de voir les minorités sous-représentées dans les littératures de l’imaginaire, les films ou les séries. S.L. Huang autopublie donc en 2014 un roman dans lequel les personnages principaux sont issus de diverses minorités, et dans lequel l’héroïne est mathématicienne. Zero Sum Game a été republié chez Tor Books le 2 Octobre 2018.

Ça parait intéressant, non ?

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Eh bien non. Le livre de S.L. Huang est une urban SF se déroulant à notre époque, ou demain peut-être, et qui relève du roman de super-héros. Il n’y a pas particulièrement de worldbuilding, puisqu’il s’agit du monde que l’on connait, et plus précisément de la Californie. Il n’y a pas de projection sociale dans cette Amérique qui ne sert que de décor et n’est jamais mise en perspective ou utilisée autrement que comme coordonnée géographique. En fait, le roman n’aborde aucune thématique particulière. En dehors de ses personnages, il ne s’intéresse à rien. Il est ainsi construit autour de quatre zigotos qui, dès le départ, sont caricaturaux et possèdent l’épaisseur d’une feuille cartonnée. Ils resteront ainsi jusqu’à la fin.

L’héroïne et narratrice est Cass Russell, qui semble inspirée (mal) du personnage de Lisbeth Salander. Cass est une jeune femme qui possède un don pour les mathématiques. Plus qu’un don, il s’agit dans son cas d’un super-pouvoir. Sa faculté à réaliser rapidement des calculs complexes lui permet de percevoir son environnement de manière mathématique : tout n’est que nombres, vecteurs, équations. Plutôt qu’utiliser ce don pour résoudre les grands problèmes de l’humanité, Cass l’utilise pour tuer des gens. Elle voit ainsi la trajectoire des balles, sait ajuster ses coups pour faire le maximum de dégâts, et agit plus rapidement que ses adversaires. Elle est badass comme on dit pour vendre du livre (ou pour prouver que les femmes peuvent être aussi abruties que les hommes). Car si badass signifie dur à cuire, dans le cas de Cass sa badasserie confine à la connerie. Cass est un personnage ultraviolent dont l’unique réponse face à n’importe quelle situation consiste à tuer des gens, en grand nombre, et de manière totalement gratuite. Pire, ses talents mathématiques ne semblent pas lui permettre d’additionner 2 plus 2, ni de construire une stratégie ou de planifier une action qui montre une compréhension de la situation.

Le second personnage est Rio, la seule personne au monde en qui Cass a confiance. Rio est un tueur psychopathe qui interprète assez librement les écrits bibliques, à la façon de Jules Winnfield dans Pulp Fiction, mais en version démesurée. Rio est plus fort que tout le monde. On raconte qu’il a vaincu seul des armées et renversé des gouvernements. On ne saura jamais comment il s’y prend exactement mais lorsque Rio débarque, tout le monde meurt et il sauve régulièrement les fesses de Cass à la manière d’un deus ex machina avec préjudices extrêmes.

Vient ensuite Arthur Tresting, ancien flic afro-américain devenu détective privé. Chose extravagante dans ce roman, Tresting est doué de morale. Si, si. Evidemment, cela fera de lui le maillon faible du scénario. Tresting est aidé par le quatrième personnage, Checker, le hacker de service. Ce petit génie de l’informatique en fauteuil roulant accueille tous les clichés du genre : geek vivant reclus dans un garage transformé en musée de l’informatique, persuadé que les femmes ont toutes un nom qui finit en .jpeg, mais sympa quand même, dont les talents lui permettent de vous appeler sur un téléphone prépayé que vous venez d’acheter ou d’entrer dans n’importe quel système bancaire ou gouvernemental, etc.

Les chemins de ces quatre individus vont se croiser et ils vont ensemble affronter une organisation secrète internationale, Pithica, dont les moyens financiers et matériels sont supérieurs à ceux de certains états, et une autre organisation secrète internationale qui tente de combattre Pithica. Pithica emploie des télépathes, ou plutôt des personnes douées d’empathie et capables de manipuler les émotions et les pensées d’autrui. En version super-pouvoir. Pithica cherche à manipuler le Monde. On n’en saura pas vraiment plus sur cette organisation, qui dans le roman semble être une coquille vide, le poster sans épaisseur et encore une fois caricatural de la nébuleuse qui veut dominer le monde.

Ça fait PIF, PAF, POUM et le body count grimpe en flèche. Je ne reproche pas à ce livre la violence qu’il décrit. J’apprécie des livres bien plus violents, mais dans lesquels il y a un sens derrière les cadavres. Zero Sum Game est un roman qui n’a aucun sens et qui est totalement gratuit. Le personnage de Cass n’est pas intéressant. Son attrait monomaniaque pour la violence et son absence complète de questionnement la rendent aussi détestable que peut l’être Takeshi Kovacs à la fin de la série Carbone Modifié, à ceci près que Kovacs est un personnage habité par une motivation, alors que Cass ne l’est pas. Pour tout dire, Rio fait figure d’intellectuel face à elle. A la fin du roman, nous n’avons rien appris ni sur les personnages ni sur Pithica. La scène finale, qui aurait dû être l’achèvement paroxystique du roman, sombre dans le ridicule du fait que la narratrice, Cass, n’y assiste pas. C’est encore une fois Rio qui fait on-ne-sait-quoi pour sauver la situation. (Oui je spoile. Mais si vous avez encore envie de le lire après cette chronique, je ne peux rien pour vous.)

Ce livre est le premier volume de ce qui doit devenir la série « Cass Russell ». Il y a aura peut-être des explications dans les romans suivants, mais je ne les lirai pas.

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Titre : Zero Sum Game
Série : Cass Russell T1
Auteur : S.L. Huang
Publication : 2 Octobre 2018 chez Tor Books
Langue : anglais
Nombre de pages : 329
Format : ebook et papier


30 réflexions sur “Zero Sum Game – S.L. Huang

          1. Mais si, mais si. Vigilance de Robert Jackson Bennett, Permafrost d’Alastair Reynolds, Cage of souls, Walking to Aldebaran et Children of ruin d’Adrian Tchaikovsky, Perihelion summer de Greg Egan, Fall or r dodge in Hell de Neal Stephenson, Ghost engine de Charles Stross, il y a tout de même de quoi faire.

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  1. Je l’ai vu passer il y a peu sur quelques « fils » que je suis. J’hésitais à me laisser tenter. Finalement ton retour m’a fait gagner quelques heures de recherches et quelques secondes « J’achète ou non », je vais passer mon tour.

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