Hors-Série 2018 – Une Heure-Lumière

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Pour sa rentrée littéraire, la collection Une Heure-Lumière de Le Bélial propose deux novellas, comme toujours inédites en France, Retour sur Titan de Stephen Baxter et Les Attracteurs de Rose Street de Lucius Shepard. Pour fêter le succès de la collection et aller chatouiller les libraires qui seraient jusqu’ici passés à côté, ces sorties se sont accompagnées durant le mois de Septembre d’une opération de promotion dans laquelle était offert un hors-série consacré à l’auteur Ken Liu pour l’achat de deux titres UHL en format physique. Le choix de cet auteur pour l’opération se justifie doublement par le fait que Ken Liu est, avec sa novella L’homme qui mit fin à l’histoire, le champion de la collection avec 5 réimpressions et 10.000 exemplaires vendus, et par la qualité du texte proposé. Il s’agit de Sept Anniversaires, que j’avais déjà lu dans sa version originale publiée dans l’anthologie Bridging Infinity de Jonathan Strahan, mais que j’ai eu grand plaisir à relire (2 fois) dans la traduction de Pierre-Paul Durastanti (que je remercie au passage d’avoir hypothéqué son plan retraite au profit de la maison Harkonnen). Le tout est propulsé vers l’infini and beyond par la superbe couverture d’Aurélien Police, l’illustrateur attitré de la collection.

De la nouvelle comme idéal littéraire – Olivier Girard

Le hors-série s’ouvre sur un avant propos d’Olivier Girard, qui dirige les éditions Le Bélial, dans lequel il retrace l’histoire de la création de la collection Une-Heure-Lumière, sa longue gestation de 20 ans, pour au final rencontrer le succès dès les premières sorties en Janvier 2016. Olivier Girard y raconte sa passion, partagée par ses collaborateurs, pour les formats courts, jusqu’ici considérés invendables sur le marché français. C’est un point de vue dans lequel je me retrouve, notamment lorsqu’il fait de l’art de la nouvelle une quintessence de la littérature de science fiction. Ce sont des propos que je n’ai de cesse de tenir sur les pages de ce blog, usant des mêmes termes. Je lis souvent des réactions de lecteurs qui s’affirment trop frustrés par le format nouvelle pour désirer y consacrer du temps. Ils passent à côté d’un pan important du genre. Je prends soin sur ce blog de chroniquer régulièrement des nouvelles et des anthologies. A l’origine, ce sont les anthologies qui m’ont fait découvrir la SF. La SF étant plus que tout autre genre une littérature d’idées, la nouvelle est le format le plus naturel pour les tester. C’est un laboratoire dans lequel se dessinent les tendances et les révolutions. En propageant le format court en français, la collection UHL est unique et nécessaire. Voire indispensable.

Sept Anniversaires – Ken Liu

Par essence, la science-fiction est optimiste : même lorsqu’elle s’aventure dans la dystopie, ce qu’elle a tendance à faire trop souvent à mon goût, elle continue à parler d’avenir. Sept anniversaires, ce sont sept dates dans la vie d’une femme. La première, le jour de ses 7 ans. La seconde, à 49 ans. Puis 343, 2401, 16807, 117649, et enfin 823543. A l’opposé de la dystopie, c’est un avenir vaste, lumineux, éternel que nous propose Ken Liu. Non pas qu’il n’envisage pas des moments sombres dans l’histoire humaine à venir, mais, il insiste, »il existe toujours une solution technique ». La nouvelle convoque alors l’ensemble des grandes idées de la SF du XXIe siècle : singularité, transhumanisme, existence numérique, expansion spatiale, terraformation, nuage de Dyson, … le tout dans une progression vertigineuse sur des dizaines de milliers d’années. Le seul roman que je connaisse dans lequel des évolutions d’une telle ampleur sont évoquées est Accelerando de Charles Stross. Mais Charles Stross est plus sombre que Ken Liu dans sa vision de l’avenir. Ken Liu veut y croire. Ici les planètes renaissent, de grands échassiers nichent à l’embouchure du fleuve où se trouvait Shanghai, Vénus est devenue une réplique fertile de la Terre au Jurassique, des dinosaures parcourent les plaines de Mars. Et l’humanité se transforme. Plus loin encore, un cerveau Matriochka réécrit l’histoire où ni Rome ni Vinh Long ne tombe. Un dernier appel est lancé « Venez au centre de la galaxie pour la réunion ». C’est le même appel que l’on retrouve dans la nouvelle Cosmic Spring publiée en Mars dernier dans la revue Lightspeed. Ces deux textes sont d’ailleurs assez similaires dans leur approche du futur lointain, et dans la poésie inhérente à cette rêverie qui pousse le sense of wonder loin, très loin. Sept Anniversaires est une nouvelle magistrale, une véritable lettre d’amour à la SF.

Rencontre avec Aurélien Police

Le hors-série se poursuit  par un entretien avec le très inspiré Aurélien Police qui nous explique la ligne conductrice qu’il s’est donné pour illustrer les couvertures de la collection, les liens qui se créent de l’une à l’autre, à travers maints petits détails que l’on ne note pas forcément.

Ce hors-série est un joli cadeau que vous pouvez vous faire et si ce n’est déjà fait, foncez, vous avez jusqu’au 31 Octobre pour en profiter !


D’autres avis sur la blogosphère : Apophis, Gromovar, Artemus Dada, Au Pays des Cave Trolls, Lorhkan.


19 réflexions sur “Hors-Série 2018 – Une Heure-Lumière

  1. Sur l’intérêt du format court en général et de la nouvelle de Liu en particulier, nous sommes (quelle surprise !) parfaitement d’accord 😉 J’ai moi aussi du mal à saisir le désintérêt de la majorité de nos camarades pour les anthos ou les nouvelles isolées. Outre l’aspect laboratoire d’idées que tu soulignes, le format court permet à un écrivain de raffiner ses qualités d’écriture (il faut être percutant et installer son monde tout de suite, pas au bout de x tomes de centaines de pages) et offre une puissance émotionnelle, surtout dans les nouvelles à chute, que n’offrira presque jamais un roman, de mon point de vue.

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    1. Oui il y a un côté « take no prisoners » inhérent à l’écriture d’une nouvelle. Pour qu’elle soit réussie il faut être immédiatement dans le sujet. Impossible de se réfugier derrière des effets. C’est le boot camp des snipers.

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  2. Je fais partie des réticents au format court. Pas par principe, je te rassure. Et je pense que je serai au diapason avec cette idée, si tout ce que je lisais en nouvelles me laisseraient généralement pantoise, la gueule ouverte d’admiration… Or ce n’est que rarement le cas, même si j’apprécie le format court dans un univers ou en tant qu’enrichissement d’un univers (qui participe à l’édification d’une oeuvre gloable). Comme pour Xuya, ou encore Les poudres-mages, ou Sharakaï,…

    Mais comme tu le soulignes cela implique d’avoir des auteurs doués aussi bien dans les idées que dans la manière de les exprimer… J’aime bien le format novella, ceci dit.

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  3. Pour ma part, le format nouvelle ne me dérange pas, bien au contraire. Je l’ai eu dans ma PAL. Je ne devrais pas tarder à le lire. Sinon, à la fin de ta chronique, tu dis qu’il ne reste plus que quelques jours pour l’opération. En fait, elle dure jusqu’au 31 octobre 2018.

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