Retour sur Titan – Stephen Baxter

titan

Avec la sortie du roman court Retour sur Titan dans la collection Une Heure Lumière, l’éditeur Le Bélial poursuit la publication des textes de Stephen Baxter s’inscrivant dans le Cycle des Xeelee après Gravité (2008), Singularité (2010), Flux (2011) et Accrétion (2013). Si vous n’êtes pas familiers avec ce cycle, précisons tout de suite que sa connaissance n’est pas nécessaire à la lecture du roman. Stephen Baxter a en effet voulu que tous les textes qui composent ce cycle, neuf romans et des dizaines de novellas et nouvelles, puissent se lire indépendamment les uns des autres. Pour être honnête, c’est plus ou moins vrai, car si les histoires peuvent être en effet indépendantes, l’univers ne l’est pas et des liens forts existent entre les textes. Retour sur Titan en est d’ailleurs une illustration.

Return to Titan a été initialement publié en 2010 dans l’anthologie Godlike Machines éditée par Jonathan Strahan. Malgré son titre, il n’a aucun lien avec le roman Titan publié par l’auteur en 1997 et appartenant à trilogie NASA. Tout au plus, il apparaît comme une mise à jour des connaissances sur la fameuse lune de Saturne. Ecrit juste après la mission Cassini-Huygens qui a apporté entre 2004 et 2010 de nombreuses informations sur l’atmosphère et la géologie de Titan, Retour sur Titan s’appuie en effet sur ces découvertes alors très récentes (de petites corrections ont été apportées depuis). L’approche, comme toujours chez Baxter, est donc résolument tournée vers la hard-SF.

Comment sait-on que l’on a dans les mains un texte du Cycle des Xeelee ? Déjà, parce qu’on y retrouve certains des personnages principaux du Cycle. Michael Poole, le génial inventeur des trous de vers, Harry Poole son richissime père, et la physicienne Myriam Berg. On y parle aussi de la construction du vaisseau spatio-temporel Cauchy et de propulsion GUT.  La novella se déroule au milieu du quatrième millénaire, en 3685. (Le Cycle lui se déroule sur des milliards d’années, et Retour sur Titan se déroule juste avant Singularité). Michael Poole a réussi à élargir les microscopiques trous de vers à l’échelle macroscopique de manière à y faire passer des transports spatiaux. Les déplacements dans le système solaire interne ne prennent alors plus que quelques heures et Jupiter est devenu la plaque tournante du commerce interplanétaire. Les Poole veulent désormais conquérir l’orbite de Saturne et ouvrir la voie vers le système solaire externe. Tout ceci a un coût astronomique (haha). Afin de rentabiliser le déploiement plus avancé des trous de vers, il leur faut pouvoir exploiter les ressources de Titan.

La vie ? Rien de plus banal. ce qui nous intéresse, c’est la sentience. Et la sentience freine le progrès.

Le frein à cette exploitation est les Lois sur la Sentience qui interdisent l’exploitation ou même l’exploration de toute planète ou lune qui pourrait abriter une vie intelligente. Or, si l’on sait (dans le roman) que Titan abrite des formes de vie, nul ne sait si elle est intelligente. Les Poole vont donc décider d’explorer illégalement Titan dans le but de démontrer qu’une telle restriction n’a pas lieu d’être. Pour cela ils ont enlever et impliquer de force dans leur expédition un certain Jowik Emry, crapule notoire et accessoirement Gardien de la Sentience, lâche et corrompu. Emry est le narrateur du roman, ce qui va fournir au récit quelques beaux passages où le narrateur se pose la question de savoir qui, de lui ou des Poole, remporte la palme de l’immoralité. Son caractère cynique apporte aussi au texte une dimension humaine et humoristique qui, sans cela, serait totalement absente.

Baxter n’a jamais particulièrement brillé pour le développement de ses personnages ou ses talents de conteur. Là où il excelle, par contre, c’est dans la rigueur scientifique de son propos et donc l’aspect hard-SF de ses écrits. C’est là la qualité principale de Retour vers Titan, avec ce risque inhérent que souvent le récit de l’exploration de la surface de Titan prenne des allures de cours de physico-chimie. Baxter pousse les choses loin et les descriptions de Titan, son atmosphère, ses sombres océans de méthane, et ses cryovolcans, sont vertigineuses pour tout amateur de hard-SF. Je doute toutefois que l’approche séduise tous les lecteurs. Il faut reconnaître à Le Bélial  son militantisme forcené pour donner à lire en français une SF de cette envergure, notamment dans un sous genre, la hard-SF, si peu représenté sur les étagères de nos librairies. Retour sur Titan apparaît certainement comme le texte le plus hard de la collection Une Heure Lumière, nettement plus que le Cookie Monster de Vernor Vinge ou le Cérès et Vesta de Greg Egan qui restaient relativement soft dans le genre.

Pour finir cette chronique, je ferai une mise en garde, qui peut être une critique suivant où vous vous situez dans votre connaissance des œuvres de Baxter. Retour sur Titan peut se lire comme un court roman indépendant. Mais si vous ne connaissez pas le Cycle des Xeelee, vous passerez totalement à côté des allusions qui sont faites à la fin du livre et quelles menaces elles évoquent. A l’inverse, si vous êtes connaisseur, ce sont des bonbons acidulés.


D’autres avis sur la blogosphère : Apophis, pour qui c’est le meilleur de la collection UHL, l’Albedo pour qui c’est un coup de cœur, GromovarLes lectures du Maki, au Pays des Cave TrollsXeno Swarm, les notes d’Anouchka,


Titre : Retour sur Titan
Collection : Une heure Lumière
Auteur : Stephen Baxter
Publication : 30 Août 2018 chez Le Bélial
Traduction de l’anglais : Eric Betsch
Nombre de pages : 160
Format : papier et ebook


41 réflexions sur “Retour sur Titan – Stephen Baxter

  1. N’ayant jamais lu quoi que se soit de cet auteur (bon sauf Anti-glace mais qui est à part du reste) je pense que je vais commencer par autre chose que celui ci, même si l’attrait de la nouveauté est grand xD

    Mais bon de toute façon je me suis rendu compte avec le temps que si un roman manque de développement des personnages j’ai plus de mal à y accrocher malheureusement, donc c’est en parti pour ça que je n’ai jamais tenté avant, on verra, j’espère avoir de bonnes surprises ^^

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  2. Pour ma part, je vais attendre le 6 pour l’acheter (pour avoir droit au hors-série avec la nouvelle de Ken Liu), et je lirai ça en fin de mois. Même si je n’avais aucun doute sur la chose, étant un grand fan de Baxter et l’amateur de Hard SF que l’on sait, je suis content de savoir que le texte est bon. Merci pour ta critique ! (et très bonne remise en perspective par rapport au cycle Xeelee. Je pense que l’avertissement sur le côté hardcore de la chose n’est également pas de trop, vu à quel point la collection attire des débutants en SF d’après ce que je vois sur Babelio).

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    1. Je fais partie de ces benêts qui n’avaient pas compris que l’opération ne commençait que le 6 et que la nouvelle de Liu ne serait pas incluse dans les précommandes. Sinon, j’aurais évidemment attendu. Cela dit, la nouvelle de Liu je l’ai déjà lue dans Bridging Infinity. Elle est excellente.

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  3. Je ne suis pas entièrement d’accord avec toi, c’est de la Hard SF mais je l’ai trouvé accessible. Il faut dire que Biologie, Géologie, Physique & Chimie ont bercé mes années fac !

    Je vais peut être rectifier un peu ma chronique. 😉

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    1. Ah mais je n’ai pas dit que ça n’était pas accessible, ça l’est. Mais il faut supporter la somme d’information de nature scientifique pour apprécier le texte. Je sais qu’il y a de nombreux lecteurs que cela rebute notamment ceux que ne lisent qu’occasionnellement de la SF. Il faudra que j’ajoute le lien vers ta chronique…

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    1. Ma chronique a justement pour but de vous faire vous poser des questions sur la pertinence de cette lecture par rapport à vos goûts personnels. Tout en disant que ce peut être là, sur un texte court, l’occasion de tenter l’auteur. Ou pas.

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  4. Aïe! J’ai peu d’être un peu juste si c’est pointu en sciences dites dures. Je vais reconsidérer mon achat d’autant plus que je n’ai jamais lu l’auteur. Tout comme Celindanae, il y a d’autres titres que je n’ai pas lu donc j’en prendrai peut-être un autre pour profiter du hors-série.

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  5. J’attends le 6, et comme je n’ai jamais vraiment accroché auparavant à cet univers, ce sera peut-être une occasion pour refaire une tentative. Le bat blessait effectivement au niveau des personnages, et c’est étrange, c’est une donnée qui me tient à coeur quand je lis un bouquin. Sans être rédhibitoire, j’ai souvent du mal à avoir des coups de coeur.

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    1. Bonne question. Je pense que pour débuter chez Baxter, le mieux est de commencer avec les Vaisseaux du temps (Le Livre de Poche 2003) ou Voyage (J’ai Lu, 1999). Ces deux livres ne se situent pas dans l’univers des Xeelee qui est plus dur à aborder. Mais si on souhaite s’y lancer tout de même, je conseillerai alors Singularité (Le Bélial 2010) car c’est le plus court (288 pages).

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  6. Ce que tu en dis me tente bien ! (même si je ne suis pas familière du Cycle des Xeelee… mais je vois dans ma bibli que j’ai Time Ships que tu conseilles plus haut !)
    Je suis amatrice de hard SF (même si je n’ai pas encore lu Baxter !!), est ce que tu conseillerais Retour sur Titan + Cookie Monster dans la série Une Heure lumière ?

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    1. Au niveau hard-SF dans la collection UHL, je conseillerais plutôt d’abord Cookie Monster + Cérès et Vesta, et Retour sur Titan en 3e. Cela me semble être plus progressif ainsi. Si tu comptes commander 2 UHL, tu sais qu’il y a en bonus un hors-série consacré à Ken Liu dont la nouvelle, 7 anniversaires, est aussi un texte de hard-SF.

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