A Big Ship at the Edge of the Universe – Alex White

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A Big Ship at the Edge of the Universe, est le second roman de l’auteur américain trentenaire Alex White, et le premier tome d’une série, The Salvagers. La sortie de ce livre le 26 Juin a été précédée et suivie d’une certaine agitation sur les réseaux sociaux et les sites spécialisés. Goodreads s’affole à grand renfort de points d’exclamation et même quelques articles de presse en donnent un écho très positif. C’est un livre qui fait un peu de buzz en d’autres termes.

C’est à ce moment de ma chronique que je sors les crocs : ce roman est un produit commercial formaté à l’extrême pour séduire un lectorat  young adult américain pétri de politiquement correct. En 2018, on ne peut pas faire, en SF, plus dans l’air du temps et plus consensuel que ce bouquin.

A Big Ship at the Edge of the Universe se présente comme un crossover entre space western et urban fantasy qui copie dans les grandes lignes la série TV Firefly de Joss Whedon diffusée aux US en 2002. L’humanité est installée dans un nouveau système stellaire, dans un futur lointain, et on va suivre les aventures d’une bande de marginaux qui gagnent leurs vies à bord d’un vaisseau militaire volé en pillant les débris laissés dans l’espace par une guerre interplanétaire 20 ans auparavant.

Dans cet univers, tout le monde possède des pouvoirs magiques, grâce à une glande située dans le cerveau à côté de l’hypothalamus. Dans la majorité des cas, ces pouvoirs ne permettent que d’allumer une bougie avec les doigts, de payer sans carte de crédit en signant d’un glyphe ou de faire le ménage chez soi. Dans les cas plus développés, cette magie peut être extrêmement puissante et permettre d’arrêter le temps localement, de construire des armes à même de détruire des vaisseaux spatiaux ou de broyer ses ennemis.  Toutes les technologies les plus développées, les moteurs des vaisseaux spatiaux, armes, réseaux de communication incorporent une part de magie pour fonctionner et les humains font appel à elle pour communiquer avec les machines. Mêler space opera futuriste et magie est ce que ce livre réussit très bien. C’est fait suffisamment intelligemment pour être convaincant. Ce que le livre fait mal, c’est raconter une histoire intéressante et originale.

Nilah Brio est une jeune et talentueuse pilote de voiture de course, type F1, qui a de sérieuses chances de remporter le championnat de la fédération Pan Galactic. Son talent magique est l’ingénierie. Elle peut se connecter psychiquement à sa voiture mais aussi à toute autre machine pour en gagner le contrôle. Mais lors d’une course, elle est le témoin d’un meurtre et s’en trouve accusée. Elle a en outre un caractère insupportable de gamine arrogante et capricieuse, qui n’attire aucunement l’empathie.

Elizabeth « Boots » Elsworth est une ancienne militaire de la guerre de la Famine qui a vu il y a 20 ans la destruction complète de sa planète. Elle s’est un temps reconvertie en chasseuse de trésors, mais vit aujourd’hui de petites arnaques en vendant sur sa réputation passée de fausses cartes au trésor à des aspirants pilleurs de ruines spatiales. Elle est affublée d’un handicap de naissance, qui ne touche qu’une personne sur 5 millions, et ne lui permet pas d’avoir accès à la magie. C’est évidemment dans cette société un handicap lourd, mais comme le montrera le livre cela peut s’avérer un avantage dans certaines situations. Elle aussi possède un caractère qui devient rapidement ennuyant.

Orna Sokol était encore enfant lorsque sa planète fut détruite. Elle fut récupérée par Cordell Lamarr à bord du Capricious. Elle est devenue une guerrière ultraviolente, en permanence accompagnée d’une armure de combat semi-intelligente qui la suit partout comme un animal de compagnie. C’est un personnage de manga.

Le capitaine Cordell Lamarr a été le capitaine de vaisseau, et le supérieur hiérarchique de Boots pendant la guerre. A l’issue de celle-ci, il a volé le vaisseau Capricious et a choisi de constituer un équipage de marginaux très doués pour se lancer dans la carrière de pilleur de l’espace. Il assume à travers tout le roman une sorte de figure paternaliste un tantinet lourde.

Tous vont se retrouver contraints et forcés d’embarquer sur le Capricious et de partir à la recherche d’un vaisseau de guerre légendaire perdu depuis deux décennies, tout en tentant d’échapper à une méchante (et puissante) sorcière qui leur court après. Il y aura bien quelques accrocs pour la forme, mais Nilah et Boots se feront accepter rapidement par l’équipage du Capricious. Nilah développera même une romance avec Orna alors que tout les oppose. Notons au passage que si les personnages de lesbiennes badass de l’espace pouvaient avoir un côté transgressif, et donc hautement savoureux, il y a encore 10 ans, c’est devenu ultra-cliché en SF en 2018. D’autant qu’Alex White impose la présence paternaliste de Lamarr, ce qui montre que dans le fond il n’a rien compris. En matière de redéfinition des genres et d’autodétermination sexuelle, Greg Egan est nettement plus radical depuis plus de 20 ans. Boots aura aussi sa romance avec un des membres (masculins) de l’équipage. Dans son ensemble, Le casting est caricatural, trop, politiquement correct de bout en bout, et montre un formatage assez poussif pour séduire le lectorat cible. Alex White m’a donné l’impression de beaucoup ramer pour essayer de rendre ses personnages naturels sans y arriver. J’en suis même venu à me dire que ce mélange de space opera et d’urban fantasy  n’était finalement là que pour plaire aux lecteurs des deux genres.  L’histoire ne présente aucune surprise, aucun rebondissement, suit un rythme élevé de courses poursuites, de combats, et d’actions en tout genre. C’est du space western sans ambition et très prédictible. Le récit se déroule de la manière la plus linéaire qu’il soit, et à la fin les gentils gagnent.

Quand on voit, à côté de cela, une auteure américaine du nom d’Ada Palmer qui signe avec Too Like the Lightning un des romans les plus transgressifs de ce début du XXIe siècle,  et totalement incorrect, on ne peut que se dire que la SF américaine se divise en deux catégories : la bonne et la mauvaise. Je vous laisse deviner dans quelle catégorie je range A Big Ship at the Edge of the Universe.


Un autre avis de lecteur : L’ours inculte qui est nettement plus emballé que moi.


Livre : A Big Ship at the Edge of the Universe
Série : The Salvagers
Auteur : Alex White
Publication : 26 Juin 2018 chez Orbit
Langue : anglais
Nombre de pages : 480
Format : ebook et papier


17 réflexions sur “A Big Ship at the Edge of the Universe – Alex White

    1. En fait je ne sais pas trop pourquoi je l’ai lu. J’ai vu le titre, et me suis dit « Oh c’est cool, il y un gros vaisseau au bout de l’univers » . Et je n’ai pas réfléchi plus loin que ça, Alors qu’en y regardant de plus près, il est assez évident qu’on est sur du YA qui reste bien gentillet.

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  1. Ah mince j’avais été touché par le buzz et je n’étais pas loin de le faire entrer dans ma PAL. Ton avis m’a quand même pas mal refroidi et je pense que je vais passer mon tour, même si j’apprécie Firefly.

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  2. On ne peut pas commencer à lire de la SF en lisant Greg Egan et Ada Palmer. En lisant ton billet, je ne suis pas convaincu que ça ne soit pas un bon roman d’initiation à la SF comme « mon » Mage de bataille est un bon roman d’initiation à la fantasy. Les « jeunes » lecteurs qui gravitent autour de moi sont assez imperméables aux classiques Asimov, Bradbury, Matheson and co et absorbent en parallèle des tonnes de mangas… Ça me pousse à me poser certaines questions.
    J’ai 1/ l’impression que ce livre peut se vendre par palettes (malgré ou précisément à cause de ce que tu en dis) et 2/ que t’es rentré dans un mcdo en espérant consommer un tournedos rossini… en sachant que tu détestes les hamburgers trop sucrés, trop salés et trop gras.

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    1. Je suis entièrement d’accord avec tout ce que tu dis là, notamment 1/ sur le fait que ça va se vendre par palettes. C’est une certitude. Mais ce blog, l’Epaule d’Orion, est tenu par un lecteur d’Egan qui ne commence pas à lire de la SF. Si on veut un avis éclairé sur le YA, ce n’est certainement pas ici qu’il faut venir. 2/ C’est vrai, j’ai acheté ce bouquin sur un malentendu. Je cherche systématiquement le tournedos Rossini et j’y vais en aveugle. Parfois je le trouve (Summerland, Too like the lightning) et parfois non. C’est la dure vie de blogueur de l’extrême. Snif.

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      1. Ce n’est pas un YA dans le sens où il n’est pas vendu en YA. Donc c’est typiquement le genre de trucs que je pourrais faire en Albin Michel Imaginaire, dans mon optique la plus commerciale. Je n’ai pas oublié que c’est ce genre de bouquins qui m’ont fait aimer la SF (à la folie) quand j’avais 15-16 ans.

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          1. Je ne chipote pas sur un question d’étiquette sur le jaquette du livre. Le YA c’est une façon de vendre un livre, ce n’est pas un genre. C’est une approche commerciale / marketing. L’éditeur n’a pas choisi cette approche commerciale car il n’a pas le produit pour. C’est pas parce que c’est « politically correct » (et encore faut voir) ou feelgood ou cul-cul que c’est YA.

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        1. Maintenant, comme je te le disais, je pense que pour un éditeur qui veut sortir un livre vers les jeunes lecteurs (ou nouveaux lecteurs) de SF, dans une optique commerciale, c’est un bon choix. Je ne l’ai pas dit dans ma critique car je n’avais aucune raison de la faire. On ne m’a pas posé la question.

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