Embers of war (Braises de guerre) de Gareth L. Powell

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Embers of war est un roman de Gareth L. Powell, tout juste sorti des presses, qui s’inscrit avec une passion non dissimulée dans la veine du nouveau space opera, avec un côté western galactique à la Ann Leckie ou James A. Corey, et en allant chercher des inspirations du côté de chez Iain Banks et Alastair Reynolds. Ces deux influences sont par ailleurs revendiquées par l’auteur qui a souhaité inscrire cette nouvelle série dans les pas de ses illustres compatriotes. Embers of war est annoncé comme le premier volume d’une trilogie. Sachez toutefois que ce roman peut se lire seul car il possède son propre dénouement sans laisser de question en suspens, même s’il laisse supposer qu’un gros truc se cache quelque part.

Embers of war s’ouvre sur un court prologue qui raconte la bataille de Pelapatarn, et l’acte de guerre radical qui mit fin au conflit entre deux factions humaines politiquement opposées, la Conglomeration et les Outwards. Cet acte de guerre constituera le péché originel sur lequel le roman va se construire. Ce très court chapitre se révèle efficace et va marquer l’esprit du lecteur pendant tout le livre.

Trois ans plus tard, nous suivons la mission de sauvetage par le Trouble Dog et son équipage d’un vaisseau Outward, le Hobo, qui s’est écrasé de façon inexpliquée. L’univers est habité de plusieurs factions humaines, ainsi que de peuples extraterrestres qui cohabitent et échangent relativement sereinement malgré les tensions perceptibles qui ne cessent de poindre ici et là. Les humains sont regroupés sous l’organisation politique Human Generality, une sorte d’ONU, et l’ensemble des espèces sous la Multiplicity. Sur quelques planètes subsistent des poches de combats, sous la forme de guerres civiles locales, entre la Conglomeration et les Outwards. Mais le gros de la guerre est désormais derrière, et le temps est maintenant à la construction de la paix. Côté world building Gareth L. Powell assemble ainsi un univers intriqué,  suffisamment construit pour être crédible et engageant.

Le Trouble Dog est un ancien vaisseau militaire de classe Carnivore, désarmé et appartenant désormais à la House of Reclamation, un équivalent galactique de la Croix Rouge. Politiquement neutre et à but uniquement humanitaire, la House of Reclamation engage ses vaisseaux de seconde main et ses équipages rafistolés dans des missions de recherche et de sauvetage de vaisseaux en difficulté. Le Trouble Dog est un navire, mais aussi et surtout une intelligence artificielle. On trouve là l’influence de Iain Banks avec les vaisseaux de la Culture et leur IA, façon Sonate Hydrogène.

An unintended side effect of using cloned human cells in the construction of ship minds was a tendency for unwaranted emotions to seep into their personalities.

A la fin de la guerre, Trouble Dog a démissionné de l’armée et s’est mise au service de la House of Reclamation. Elle est pourvue d’une personnalité forte et caustique, avec, comme toute ancienne arme de destruction massive, une tendance à la susceptibilité. Si, malgré la description qui en est donnée, vous avez du mal à imaginer à quoi ressemble l’avatar de Trouble Dog, sachez que Gareth L. Powell a basé son apparence sur la Patti Smith de la pochette de l’album Horses. Bien que déclassée, Trouble Dog reste un des vaisseaux les plus rapides de la Generality. Il est ici possible de voyager plus rapidement que  la lumière, en sautant dans les dimensions supérieures de l’espace, dans l’hyper vide. Ce mode de transport n’est pas instantané, contrairement à Star Wars par exemple, mais cela prend du temps, quelques jours pour parcourir des dizaines d’années lumière, et surtout ce n’est pas sans risque. Des vaisseaux se sont perdus à jamais dans l’hyper vide. Il faut aussi pour cela une puissance de calcul énorme, et une quantité de carburant (anti-matière) conséquente, ce qui oblige Trouble Dog à faire des sauts de planète en planète pour vider et remplir ses réservoirs. Et de plus, ce n’est pas du tout confortable pour les humains à bord. Certains ont perdu l’esprit. On retrouve là évidemment une idée déjà exploitée par d’autres auteurs. Citons par exemple China Miéville dans Embassytown, ou Aliette de Bodard dans son univers de Xuya.

Malgré une capacité de 350 personnes, l’équipage de Trouble Dog est réduit à 4 individus.

  • Sally Konstanz, ancienne commandante d’un vaisseau médical Outward, elle est désormais capitaine du Trouble Dog. Traumatisée par la guerre, elle est aussi la descendante lointaine de la femme qui a créé la House of Reclamation.
  • Alva Clay, ancienne des corps de Marines chirurgicalement augmentée des Outward, elle a survécu à la bataille de Pelapatarn. Elle est désormais spécialiste des opérations de sauvetage au sol. Agile de la gâchette, elle a la nervosité des soldats abandonnés dans un conflit perdu.
  • Nord est un ingénieur de l’espèce des Druffs, hermaphrodites à la peau bleue, possédant 6 membres et autant de visages. Ils sont très recherchés comme ingénieurs à bord des vaisseaux pour leur compétence et une totale abnégation au travail.
  • Preston Menderes, nouvel arrivant, a un peu bidonné son CV pour être embauché comme médecin de bord alors qu’il n’a jamais fini l’académie.

Trois autres personnages importants interviendront dans l’histoire : Ona Sukda, poètesse, Ashton Childe, agent de renseignement de la Conglomeration et Laura Petrushka, agente de renseignement pour les Outwards.

Gareth L. Powell utilise un procédé efficace pour raconter son histoire. Celle-ci est narrée à la première personne successivement dans des chapitres courts par 6 personnages : Trouble dog, Sally Konstanz, Alva Clay, Nord, Ona Sukda et Ashton Childe. Leur nom en tête de chapitre indique qui parle. Les premiers chapitres sont dédiés à la présentation de ces personnages. Si cette technique de narration n’est pas nouvelle, elle fonctionne ici plutôt bien. En premier lieu, elle permet de donner corps aux personnages, de construire leur personnalité. Elle permet aussi de donner différents éclairages sur l’univers du roman et le déroulement du récit.  Les chapitres réservés à Nord sont particuliers, car avec une psychologie étrangère et un langage simplifié, on ne voit au départ pas vraiment où cela va, mais on comprendra l’ironie de la chose à la fin du livre.

Tous ces personnages vont se retrouver dans le même arc narratif après qu’un transport de croisière civil se soit fait abattre dans le système solaire la Gallery, ainsi nommé car il abrite 7 planètes qui ont été entièrement sculptées il y a des milliers d’années par une civilisation inconnue. On trouve ici l’influence d’Alastair Reynolds et particulièrement de Revelation Space. Le Trouble Dog est envoyé sur place pour tenter de retrouver des survivants de la catastrophe. Ce qui va se passer sur place, et ce qu’ils vont trouver sur une des planètes de la Gallery constitue l’essentiel de la trame du roman. A partir de là, les éléments s’assemblent et le récit retombe dans une unité de temps et d’action. On se laisse donc tranquillement mener jusqu’au dénouement.

Outre l’aspect SF militaire, avec son lot de batailles spatiales menées par les IA des vaisseaux de guerre, l’intérêt principal du roman repose sur le fait que le récit se déroule après une guerre qui a fait de nombreuses victimes, et que les personnages impliqués dans l’histoire ont tous vécu ces événements. Ils en sont tous ressortis traumatisées, chacun à leur manière. Embers of war explore ainsi la thématique du stress post-traumatique vécu par 6 personnages très différents et de la difficulté de construire la paix après la guerre. La solution fournie par Gareth L. Powell dans la conclusion du roman relève toutefois du gros deus ex machina, ce qui dénote chez lui un certain pessimisme quant à la capacité des hommes à se civiliser. Si dénouement il y a, le status quo de la situation à la fin du roman, mais aussi l’indication que quelque chose de sombre rôde dans d’autres dimensions de l’espace, ouvre clairement la voie au reste de la série.

En conclusion, Embers of war est un roman divertissant dans la plus pure tradition du nouveau space opera, et même s’il emprunte à d’autres univers déjà connus (Banks, Reynolds), il trouve sa propre dynamique. Si j’ai trouvé la fin moins originale que l’installation de l’histoire, elle laisse présumer d’une suite qui peut prendre beaucoup d’ampleur. De ce premier tome, à côté de la mise en place de l’univers, je retiendrai surtout l’accent mis sur le thème du stress post-traumatique et la difficulté  des individus traumatisés par la guerre à construire la paix.

Une traduction en français sous le titre Braises de guerre est annoncée pour 2019 chez Denoël dans la collection Lunes d’encre. En outre, Gareth L. Powell a répondu à une interview sur ce blog. C’est ici. Le roman a reçu le 20 Avril 2019 le BSFA award du meilleur roman de l’année.

Mise à jour : la suite, Fleet of knives,  est sortie et elle est chroniquée .


D’autres avis : Apophis, Blog-O-Livre.


Livre : Embers of war
Série : Embers of war saga
Auteur : Gareth L. Powell
Publication : Mars 2018
Langue : anglais
Traduction : en 2019 chez Denoël
Nombre de pages : 400
Format : papier et ebook


16 réflexions sur “Embers of war (Braises de guerre) de Gareth L. Powell

  1. J’ai lu le dernier tome et je suis assez mitigé. Il permet de clore le cycle et répond à plusieurs questions en suspens dans les précédents volumes. On y retrouve avec joie le Chien à problème et ses passagers, mais…
    Il y a un personnage providentiel aux pouvoirs considérables et la fin deus ex machina m’a un peu gâché mon plaisir tant j’ai trouvé que cela relevait de la facilité scénaristique.
    Sinon le roman est dans la lignée de ses prédécesseurs, sympa mais pas transcendant.

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