Mytale – Ayerdhal

mythale

Pour vous parler de Mytale d’Ayerdhal et, j’espère, éveiller votre curiosité, je vais me livrer avec vous à un jeu auquel je me livre moi-même lorsque je commence un nouveau livre. Je lis en premier la dernière phrase du livre :

« Durant ce bref contact, Fyrh était kinton’, bien sûr, mais tout le monde avait entendu son « m**** ! » triomphal, et Liet’ l’avait relayé pour les ksins de tous les continents. »

Normalement, celle-ci devrait vous être incompréhensible. Vous y arriverez, n’ayez crainte. Mais il faudra d’abord entrer dans ce roman monde aussi violemment que son héroine, Audham En-Tha, seule survivante du crash, et du massacre qui s’en suit, du vaisseau explorateur envoyé par la toute jeune Fédération Homéocratique qui dirige l’univers humain connu. Tout l’univers sauf Mytale, abandonnée à son sort par l’humanité 2000 ans avant le début du roman.

Mytale est une sorte d’aberration et ses habitants, les mytants, ne ressemblent plus que très peu aux premiers explorateurs humains arrivés sur la planète, et lâchés par le pouvoir politique, l’Impérium, alors en place. Je vous livre un autre spoiler, sur Mytale, « y » se prononce « u ». Mytale est en quelque sorte maudite, rongée par des agents mutagènes qui accélèrent brutalement le développement de toute forme de vie, suivant des schémas chaotiques et souvent délétères. Après deux millénaires de mutations, la société mytane, ne connaissant aucune technologie, politiquement dominée par un système tyrannique et eugéniste, s’est organisée en un système de castes regroupant les êtres monstrueux de Mytale suivant leur profil génétique et leur spécialisation. Je ne vous décris pas ces castes, pour vous laisser le bonheur (ou l’horreur) de les découvrir.

Audham En-Tha, donc, se doit de survivre sur cette planète hostile. Elle est instinctive, rebelle, impulsive, colérique et disons le, très souvent insupportable. C’est une chieuse comme elle se définit elle-même, plus souvent soumise à ses nerfs qu’à ses neurones qui pourtant fonctionnent particulièrement bien, c’est dire. Elle est rapidement recueillie par Lodh Ilodi Lodj , un Ille, sorte de paria de la société mytane, et Min’ son chat de deux cent kilos. Sauvée, mais soumise aux agents mutagènes de Mytale, elle devient Audh Onido Dham, ou Audh-Ille aux yeux des mytans.

– Qu’est-ce qu’un ille ?
– Quelqu’un à éviter, un reclus parmi les reclus, un fou dangereux qu’on ne prend pas comme esclave et qui fait attention à ne pas agacer, marginal, asocial, malade, dément, rebelle…un peu de mauvaise graine, en quelque sorte.
Lodh Ilodi Lodj était fier d’être un ille, cela se lisait aussi facilement dans sa voix que dans ses yeux.

Jusque là, le roman semble de facture très classique. Ce fut en tout cas mon sentiment en lisant les premières pages. Mais rapidement, on se rend compte que découvrant Mytale par les yeux d’Audham, beaucoup nous échappe sur la planète et beaucoup nous est caché par les mytans eux-mêmes. Suivant Audh Onido Dham à travers Mytale, on découvre alors lentement une société bien plus complexe qu’on ne l’avait imaginée, rongée par les conflits politiques, les mensonges et les manœuvres des uns et des autres, une société violente qui s’entre déchire et où chacun utilisera Audham En-Tha comme pion sur son propre échiquier.

Le monde dépeint par Ayerdhal dans ce roman à strates est complexe et riche. C’est un roman éminemment politique, bien-sûr, Audham En-Tha servant de catalyseur à la rébellion qui couve en de multiples formes sous le couvercle de la tyrannie. Les personnages, principaux ou secondaires, aussi monstrueux qu’ils soient sont profondément humains et terriblement crédibles. Audham ne reste pas longtemps la seule héroïne du roman, et de nombreux personnages vont se faire une place dans cette histoire.

La dernière partie du roman est en crescendo amenant vers l’apocalypse finale d’une violence inouïe, et une conclusion qui n’a rien d’un happy end. C’est une fin parfaite, ébouriffante et sans concession, pour ce roman.

Mytale est un roman remarquable, servi par une écriture brillante, parcellée d’humour de considérations sociales, de beaucoup d’action, et ce malgré quelques clichés du genre, notamment ces entêtes de chapitre sous forme d’écrits historiques qui servent la description du monde, et que l’on a déjà vus chez Frank Herbert, Jack Vance, et de nombreux autres.


  • Titre: Mytale
  • Auteur : Ayerdhal
  • Edition : 2010, au Diable Vauvert
  • Nombre de pages : 532
  • Support: papier et numérique

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